UN SEUL MOT RÉSUME LE SORT INFLIGÉ AUX RÉFUGIES : SORDIDE ! par François Leclerc

Billet invité.

Enfin, l’Union européenne fait preuve d’esprit de décision ! Dans l’urgence cette fois-ci, elle va envoyer en Grèce des centaines d’interrogateurs et de juges afin de tenter de donner un peu de vraisemblance légale à ce qui se résume à être une expulsion en masse de réfugiés. Ainsi que des bateaux qui vont permettre de les refouler en Turquie. Quel mot finalement choisir : hypocrite ou sordide ?

Les mesures des dirigeants européens déterminés ne s’arrêtent pas là. Devant l’insupportable menace que représenterait l’infiltration des réfugiés par de nouvelles routes – via le Caucase et l’Ukraine, ou l’Italie et l’Espagne – les gouvernements bulgare et macédonien ont déjà conjointement renforcé leur dispositif de surveillance militaire et policière de leurs frontières. Les Autrichiens à leur frontière italienne également. Venant confirmer ces craintes, plusieurs milliers de réfugiés provenant de Libye ont rejoint l’Italie après avoir été sauvés en mer. Selon la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, il y aurait 450.000 réfugiés ou personnes déplacées en Libye, autant de candidats potentiels à la traversée. Les autorités militaires maritimes s’alarment devant la possibilité que l’organisation de l’État islamique joue cette carte afin de déstabiliser l’Europe, et les diplomates remarquent que les innombrables groupes armés tirent une partie significative de leurs revenus de l’activité de passeur.

Dans les îles grecques et sur le continent, la confusion est extrême. Des traversées de la dernière chance de la mer Égée – et des noyades d’enfants – continuent d’être enregistrées, tous les nouveaux arrivants devant être depuis dimanche dernier expulsés, quelle que soit leur nationalité, si l’asile ne leur est pas octroyé via une procédure sommaire. Des milliers de réfugiés craignant d’être internés refusent de rejoindre les camps installés sur le continent et se cramponnent à la frontière avec la Macédoine ou sur les quais du Pirée, ne voulant pas risquer de rater l’opportunité d’une ouverture de la frontière à laquelle ils se raccrochent. Beaucoup ont refusé d’embarquer sur les ferries mis à leur disposition – car il faut faire place nette dans les îles afin de mettre en place le nouveau dispositif – la rumeur circulant parmi eux qu’ils allaient être transportés au nord de la Grèce pour être expulsés en Turquie par voie terrestre.

À Lesbos, le camp où les réfugiés étaient accueillis est transformé en centre de détention afin que ceux qui vont désormais arriver y attendent de connaître leur sort, l’asile ou l’expulsion. Sans même que les critères de ce choix soient connus, la nationalité syrienne n’étant même plus discriminante. Acculé, le gouvernement grec va faire le sale boulot. Et pour commencer accorder à la Turquie le statut de pays sûr, alors que la guerre avec les Kurdes y sévit, que les attentats à la bombe se multiplient dans les rues d’Istanbul et que les libertés démocratiques sont bafouées. C’est la condition à remplir pour que les expulsions puissent avoir lieu, mais c’est une très mauvaise plaisanterie des autorités européennes qui prétendent qu’il n’y a pas le choix. C’est quand cet argument décisif est asséné qu’il faut bien entendu penser le contraire.

Que va-t-il se passer maintenant ? Dans l’immédiat, tout dépendra de l’ampleur des arrivées, car le nouveau dispositif est calibré pour traiter un maximum de 600 réfugiés par jour. Et ce ne sont pas les plages qui manquent sur la côte turque pour embarquer. Comment vont-elles toutes pouvoir être surveillées jour et nuit ? La force navale de l’OTAN pourra-t-elle efficacement y suppléer ? Dans la presse européenne, il est difficile de trouver un seul commentaire accordant beaucoup de chances à cette traite des humains de fonctionner. 1.662 réfugiés sont parvenus à débarquer à Lesbos et à Chios depuis l’entrée en vigueur dimanche de l’accord avec le gouvernement turc censé les arrêter, et il n’y a pas de plan B.