Billet invité.
Alors que la situation des réfugiés à la frontière grecque avec la Macédoine continue à gravement se détériorer, nous voici revenus aux beaux jours des sommets européens à répétition, ce qui n’augure rien de bon. Tout au plus à ce que les dirigeants européens jouent sur les mots, un exercice dont ils ont encore la maîtrise.
Donald Tusk, le président du Conseil européen, se prévaut à défaut d’autre chose d’être parvenu à établir la liste des points à régler avec Ankara. Il reconnait que la légalité du plan proposé à l’adoption – qualifié de « proposition turque établie avec l’Allemagne pour sauver les apparences » – est « problématique » et qu’il doit être « rééquilibré ». Cela fait beaucoup pour un sommet censé durer deux jours et qui va débuter demain.
Faute de hiérarchiser les nombreux obstacles qui sont à franchir, il ne reste qu’à les énumérer : le gouvernement chypriote menace d’utiliser son droit de veto tant que la République de Chypre n’aura pas été reconnue par la Turquie, le HCR conteste la légalité de tout renvoi collectif des réfugiés, rejoint par le gouvernement espagnol, le français ne veut pas d’une suppression des visas pour les Turcs qui ne remplirait pas les 72 conditions requises (il est question dans les couloirs des négociations d’une « masse critique » de celles-ci), le Parlement européen s’oppose à ce que les discussions sur le plan et sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne soient liées…
Simultanément, devançant l’ouverture par les réfugiés d’une nouvelle route, l’Autriche prépare la fermeture à ceux-ci de sa frontière avec l’Italie. Tandis que la Macédoine renvoie vers la Grèce les 600 à 700 réfugiés qui étaient parvenus à y pénétrer en contournant la clôture et en traversant une rivière en crue.
Plus de 50.000 réfugiés sont désormais bloqués en Grèce, plusieurs centaines venant encore quotidiennement les rejoindre. 2.000 d’entre eux ont accepté de quitter la région d’Idomeni, à la frontière avec la Macédoine, pour rejoindre des camps, préparés à leur attention par l’armée grecque, mais 12.000 autres s’y refusent, ne capitulant que lorsque leurs enfants tombent malades.
Le gouvernement grec annonce que 70.000 places d’accueil dans des camps seront disponibles d’ici la fin du mois. Dans cette attente, 5.000 réfugiés sont provisoirement bloqués à Lesbos et 3.000 à Chios. 4.500 réfugiés en famille refusent de quitter le port du Pirée et de rejoindre les camps pour ne pas être déviés de leur objectif dont ils ne veulent pas démordre : le passage de la frontière macédonienne. Parvenus en Grèce après avoir affronté de nombreuses épreuves au cours de leur parcours, ils ne peuvent admettre ce terme à leur exode. Comment les autorités européennes, soulagées de voir celui-ci interrompu et souhaitant en rester là, pourraient-elles désormais accéder à la demande d’Angela Merkel et se partager la charge de l’accueil des réfugiés après répartition ? N’attendons pas une réponse de ce sommet à ce sujet, ne leur demandons pas de briller maintenant, ce ne serait pas crédible.