Billet invité.
Wolfgang Schäuble, Jeroen Dijsselbloem et Pierre Moscovici sifflotent tous en affichant que tout va bien, signe que cela ne va pas du tout. Ce dernier n’hésite pas à affirmer que l’Union européenne est « sur la voie de la reprise, d’une reprise solide ». Depuis le temps, on connait par cœur tous leurs trucs. Les marchés « exagéreraient » pour les uns, ils « sur-réagiraient » pour d’autres. Mais du côté des analystes, ce n’est pas du tout la même chanson.
Tous les marchés mondiaux décrochent, et celui de la dette est également atteint. Si l’emprunt allemand à dix ans est à 0,2%, ceux de la Grèce et du Portugal ont au contraire grimpé, signal d’une crise de l’euro prête à rebondir. Elle viendrait renforcer celles des banques et des réfugiés, auxquelles il faut ajouter la menace toujours présente d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Tout ceci dans un contexte mondial dominé par les inquiétudes causées par le cours du pétrole et la Chine, les BRICS n’étant plus que l’ombre de ce qu’elles étaient.
L’addition est d’autant plus lourde qu’il ne peut plus être espéré des banques centrales qu’une fois de plus elles sauvent la mise aux marchés financiers. Il n’est plus possible de se situer face à un tel marché vendeur, l’aversion au risque est à son comble et la volatilité à son maximum. Un vent de panique s’est levé, qui s’auto-entretient, qu’importent les appels au calme et à la raison. Les investisseurs craignent un risque systémique, qui surgirait sans crier gare d’on ne sait où et s’attendent à la réédition d’un gros coup de tabac.
Les fondamentaux sont solides veulent croire ceux qui oublient la faiblesse de la croissance, quand elle existe, et la force des pressions déflationnistes, qui sont omniprésentes. L’activité financière était florissante jusqu’à maintenant, ce n’est même plus le cas. Si l’affolement devait un tant soi peu durer, ce ne serait pas sans conséquences sur l’économie. C’est le moment qu’a choisi Matteo Renzi, le président du conseil italien, pour avertir que « si des soins ne marchent pas, après huit ans, on peut parler d’acharnement thérapeutique », réclamant un changement de politique, « parce qu’avec seulement l’austérité, on en meurt ». Questionnée par les sénateurs américains, la président de la Fed Janet Yellen, a prudemment estimé qu’il est « prématuré d’exercer un jugement » à propos de l’impact sur l’économie des « turbulences » actuelles. Interrogée sur le fait de savoir si une récession était à craindre, elle a affirmé que « s’il y a toujours un risque de récession au cours d’une année, il n’est pas prouvé que les expansions ont une tendance naturelle à l’épuisement ».
La parole était ensuite au procureur, qui l’a prise. Wolfgang Schäuble a déclaré que « le Portugal serait bien avisé de ne pas continuer à inquiéter les marchés en laissant supposer qu’il veut revenir en arrière sur le chemin qu’il a déjà parcouru ». Avec lui, on n’est jamais surpris.