Billet invité.
La succession de la crise de l’euro et de celle de Schengen, ces deux piliers de la construction européenne, fait des ravages de tous ordres, et ce n’est que le commencement. Le nez sur les obstacles qu’ils rencontrent, ou parfois créent eux-mêmes, les dirigeants européens improvisent dans le désordre et ne maîtrisent pas grand-chose, ne semblant même pas avoir le souci de reprendre l’initiative, comme dépassés. Quel spectacle !
Tout a commencé lorsque la crise du système bancaire a donné lieu à un renflouement massif sur fonds publics du système bancaire, et que la crise économique qui s’en est suivie a contribué à creuser encore plus les déficits, ainsi qu’à grossir démesurément la dette publique. Magistral contresens, la réponse qui y a été apportée a accru la crise économique sans pour autant susciter la relance annoncée. Une forte pression déflationniste en a résulté, qui a conduit la BCE à intervenir une seconde fois. Après avoir stabilisé le marché obligataire et écarté la menace d’un éclatement de la zone euro, elle tente depuis de relancer l’inflation en prolongeant et diversifiant son programme d’achat d’obligations et en diminuant à nouveau son taux de dépôt. Mais les marchés sont insatisfaits par des mesures a minima.
Menaçant Schengen, l’exode massif des réfugiés qui est ensuite survenu a suscité la crise de trop. Le processus entamé de désagrégation de l’Union européenne s’est accentué, les frontières ayant poussé comme des champignons dans la pagaille ambiante. Pour faire face à l’afflux de réfugiés, un partage de leur accueil entre Européens s’imposait, mais sa concrétisation ne suscite guère de vocations. À tel point que la répartition d’une faible partie d’entre eux fait l’objet d’un recours devant la Cour de Justice de l’Union européenne par la Slovaquie et la Hongrie.
C’est la deuxième fois, après la crise de l’euro, qu’un partage qui devrait aller de soi au sein d’une union digne de ce nom ne fonctionne pas, vidant pratiquement l’Europe de sa substance. Dans les deux cas, chaque pays s’est trouvé renvoyé derrière ses frontières, et les désaccords entre eux sont réapparus et se sont envenimés. À chaque reprise, les dirigeants européens ne se sont pas seulement révélés divisés et peinant à la tâche. Ils ont été et restent incapables d’être porteurs d’une vision de la poursuite de la construction européenne à faire partager, se contentant de vaguement bricoler une « nouvelle gouvernance », comme si un changement de leurs méthodes de travail et des modifications institutionnelles pouvaient en tenir lieu.
Le résultat est là : une grande défiance à l’égard de l’Europe qu’ils représentent s’est instaurée et alimente un repli national. Il est désormais question d’allonger à deux ans la période de six mois pendant laquelle des contrôles aux frontières intérieures de Schengen peuvent être instaurées, on ne saurait mieux aller à sa rencontre.