Billet invité.
Deux parties du même jeu sont en cours en Grèce et au Portugal. A Lisbonne, le président de la République prend tout son temps pour désigner celui qui sera en charge de constituer un nouveau gouvernement, manifestant sa mauvaise volonté, voire son refus de choisir le socialiste Antonio Costa, tandis que l’Eurogroupe s’apprête à débloquer au profit du gouvernement grec la première tranche de l’aide de deux milliards d’euros du 3ème plan de sauvetage et les dix milliards destinés à la recapitalisation des banques.
Anibal Cavaco Silva entend « définir les lignes qui permettent de maintenir une trajectoire de croissance économique ainsi que l’accès aux marchés. » Il laisse entendre qu’il pourrait choisir dans deux semaines la solution d’un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes, en attendant que de nouvelles élections puissent se tenir en juin prochain, ouvrant une crise politique en refusant de prendre en considération que la gauche est majoritaire à l’Assemblée. Marcelo Rebelo de Sousa, qui pourrait lui succéder en janvier prochain, réclame de son côté une décision rapide.
Un compromis aurait finalement été trouvé entre les représentants du quartet et le gouvernement grec, dont l’Euro working group va pouvoir prendre acte aujourd’hui, en attendant la tenue de l’Eurogroupe vendredi prochain. Quarante-huit mesures devraient entre temps être adoptées par le Parlement, dont celles qui ont fait l’objet d’une négociation-marathon en raison de leur forte implication sociale. Le gouvernement grec est désormais traité avec ménagement : le nouveau climat créé par la tuerie de Paris et la décision du gouvernement français de rétablir le contrôle des frontières n’y est pas étranger, la Grèce pouvant être appelée à jouer un rôle important dans la gestion des réfugiés.
En dépit des déclarations y compris américaines appelant à ne pas confondre les réfugiés avec les terroristes de Daech, que précisément ils fuient, la tentation de l’amalgame est forte. Les clôtures et les contrôles se multiplient aux frontières de la Route des Balkans, à commencer par celles de l’Allemagne et de l’Autriche. Le gouvernement hongrois annonce un recours devant la Cour européenne de justice à propos de l’accord de relocalisation des réfugiés suivant des quotas, se refusant à l’appliquer en vertu du principe de subsidiarité, et la Slovaquie pourrait suivre. Le gouvernement polonais n’aura pas « la possibilité politique » d’accueillir des réfugiés, a-t-il été annoncé par le futur ministre des affaires étrangères polonais.
Une forte dynamique est enclenchée, contre laquelle l’appel renouvelé d’Angela Merkel d’appliquer et d’élargir l’accord sur les quotas de relocalisation ne pèse pas lourd. Seule lueur d’espoir pour les dirigeants européens afin de contenir le flux des réfugiés recueillis principalement par l’Allemagne et la Suède : la proposition de tenir à une date indéfinie un sommet spécial avec la Turquie afin d’adopter un « plan d’action » au contenu incertain. C’est maigre.
Aux deux crises économique et des réfugiés s’ajoute désormais une menace terroriste permanente. La Commission a aujourd’hui annoncé qu’elle était « disposée à prendre en compte les dépenses supplémentaires créées par la crise des réfugiés », en cas de dérapage budgétaire. François Hollande l’a revendiqué à propos des dépassements occasionnés par la mise en œuvre des mesures qu’il a annoncées pour faire face au terrorisme – « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité » – tandis que le premier ministre Manuel Valls faisait remarquer que les dépenses d’intervention militaire au Mali étaient engagées au bénéfice de toute l’Europe. Les dispositions du pacte budgétaire vont être soumises à rude épreuve en raison de la confluence des crises.
A enregistrer, pour se détendre, la déclaration de Pierre Gattaz du Medef au lendemain de la prestation de François Hollande. Il ne faut pas « laisser partir à vau-l’eau les dépenses publiques », a-t-il mis en garde, appelant à « faire des économies par ailleurs, à faire mieux avec moins », assénant « il faut être vigilant sinon on va de nouveau asphyxier l’économie française »… Les Français n’ont pas touché les meilleurs.