Billet invité.
Un gouvernement de gauche des socialistes appuyés par les communistes et l’extrême-gauche verra-t-il finalement le jour au Portugal ? Presque un mois a passé depuis les élections législatives qui ont donné à la gauche une majorité au Parlement et rien n’est toujours fait dans l’attente du 11 novembre prochain.
Le président de la République a donné au premier ministre sortant de la coalition de centre droit PSD-CDS, Pedro Passos Coelho, la mission de constituer un gouvernement minoritaire, mais il est destiné à tomber. Deux options resteront alors ouvertes : un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes jusqu’en avril prochain, ou un gouvernement de gauche dirigé par Antonio Costa. Le président Anibal Cavaco Silva devra trancher entre elles si le programme présenté par le gouvernement qui a prêté serment est comme prévisible rejeté le 10 novembre prochain.
Que représentera un gouvernement de gauche ? Un chance de revenir sur les mesures les plus dures de l’austérité ou le risque de reconduire le pays au bord du défaut de payement, et de devoir endurer un nouveau plan de sauvetage ? En attendant de connaitre la réponse, les Portugais sont soumis à une intense campagne d’une droite qui n’en est pas revenue d’avoir perdu le pouvoir et annonce tout faire pour combattre un gouvernement de gauche, dans l’espoir de vite y revenir. Paulo Portas, l’un de ses leaders, n’a pas hésité à dénoncer un « coup révolutionnaire ».
Le président a joué sans succès la division du parti socialiste et tenté d’enfoncer des coins entre les composantes de la coalition de gauche qui continue de négocier son programme et d’explorer ses marges de manœuvre budgétaires futures. Les leçons du gouvernement Syriza dont la droite fait un épouvantail ont été tirées à gauche. Au bout du compte, l’option d’un gouvernement chargé des affaires courantes ne faisant pas l’affaire de cette droite revancharde, le président pourrait pourtant se trouver contraint de transférer à Antonio Costa la mission confiée à Pedro Passos Coelho.
Les tensions sont fortes, amenant le président qui joue le parti de la peur à dénoncer une situation menaçant le pays d’être « ingouvernable » et appelant le PSD, le CDS et le PS à négocier entre eux pour former une coalition. A l’extrême-gauche, le Bloc de gauche ne fait pas preuve de la même retenue que le parti communiste. Devancé par le Bloc de gauche aux dernières élections, celui-ci n’a pas connu la déstalinisation comme ses pairs européens et a conservé un poids qu’ils ont perdu quand ils n’ont pas disparu. Mais il ne fait pas de doute qu’Antonio Costa a choisi l’option de la formation d’un gouvernement de gauche et qu’il s’emploie à la concrétiser.
Le leader socialiste se réclame d’une « lecture intelligente » du traité budgétaire européen, que ses alliés rejettent. La solidité de leur coalition gouvernementale, si elle voit le jour, dépendra de ce que cette lecture permettra. Le Portugal ne sera pas seul à effectuer, ce qui renvoie au jeu de Matteo Renzi en Italie ainsi qu’à celui du futur gouvernement espagnol, dont la géométrie reste à moins de deux mois des élections législatives une forte inconnue. Les gouvernements européens ayant besoin de souffler face à leurs électeurs, l’occasion leur en sera-t-elle donnée par un gouvernement allemand qui traverse une mauvaise passe avec la crise des réfugiés et une commission de Bruxelles qui aimerait bien imprimer sa marque ?