Billet invité.
La combinaison des crises du désendettement et de celle des demandeurs d’asile commence à produire ses effets. Irrésistible, la poussée des réfugiés met à nu la vacuité des réponses qui leur sont apportées, tandis que la mobilisation des pays placés en première ligne qu’elle implique mérite une compensation qui se dessine.
Le gouvernement grec en bénéficie déjà, à qui il est demandé de jouer les tampons par défaut en créant dans l’urgence 50.000 places afin d’accueillir les réfugiés et de réguler leur flux, dans l’espoir que la Turquie puisse ultérieurement jouer le rôle qui lui est alloué. Une réunion de l’Eurogroupe va statuer le 9 novembre prochain à propos de l’adoption partielle et tardive des mesures qui devaient intervenir à la mi-octobre. Les autorités grecques arguent du fait que quasiment 90% de celles-ci ont été implémentées dans les temps, mais elles sont contredites par les autorités européennes, qui considèrent que seulement un tiers des 48 mesures en question l’ont été. A la clé, le versement d’une première tranche de 2 milliards d’euros de prêt, qui se fait attendre. Des discussions sont engagées afin de trouver une solution en procédant par remplacement de certaines mesures controversées par d’autres, à impact financier équivalent, à l’initiative du gouvernement. À suivre.
Le gouvernement italien fait sans attendre l’objet de la mansuétude de la Commission, qui a accepté que ses dépenses occasionnées par l’accueil des réfugiés ne soit pas comptabilisées dans le calcul de son déficit, accordant à Matteo Renzi, le président du Conseil, de nouvelles marges de manœuvre budgétaires. Jean-Claude Juncker l’a annoncé devant le Parlement européen, évoquant « les circonstances exceptionnelles » prévues dans les textes, en précisant bien que cette disposition ne pouvait être accordée qu’au cas par cas et sur la base d’un état précis des dépenses engagées. Le cas de la Grèce mis à part, l’Autriche, la Belgique et la Slovénie pourraient plus particulièrement bénéficier de cette flexibilité.
Il y a urgence à accorder des compensations dans le cas de cette dernière, qui est particulièrement mise à l’épreuve en raison de ses faibles moyens. Mais le cas de l’Autriche qui n’a rien demandé pourrait vite se présenter. Se défendant de toute fermeture des frontières, la ministre autrichienne de l’intérieur Johanna Mikl-Leitner a en effet annoncé l’édification d’une barrière tout au long de la frontière avec la Slovénie, à l’intérieur de l’espace Schengen, afin d’« assurer une entrée ordonnée, contrôlée dans notre pays » du flux des migrants, la principale préoccupation des autorités européennes.
L’Allemagne n’a pas non plus demandé à bénéficier du dispositif dont profite l’Italie, mais Horst Seehofer, le premier ministre bavarois, se sert comme levier de la crise des réfugiés. Il va plus loin que les Autrichiens en proposant de fermer les frontières allemandes, dans un contexte politique national qui s’alourdit. Bien que partie prenante de l’alliance conservatrice CDU/CSU, il est de facto devenu le premier opposant à Angela Merkel à l’intérieur du pays. Qu’importe si, comme le prévoit le quotidien Die Welt, une telle fermeture aboutirait au passage des réfugiés par les montagnes et en traversant les cours d’eau, au prix de nombreuses vies humaines : l’objectif du premier ministre bavarois n’est pas de passer à l’acte mais d’acquérir un nouveau poids politique.
La faiblesse de la CDU enregistrée dans les sondages ne profite pas au SPD, mais à l’AfD (Alternative für Deutschland), la nouvelle formation créée en 2013 sur une base eurosceptique, qui progresse dans ces mêmes sondages. Signe des temps, des spéculations apparaissent à propos de la fin du règne d’Angela Merkel, démenties par le maintien de sa côte de popularité très élevée, et de l’alternative que représenterait une candidature Wolfgang Schäuble dont le tour serait enfin venu.
Le gouvernement allemand était inébranlable dans l’application de sa politique. Des failles apparaissent dans l’application de celle-ci en raison des conséquences de la crise des réfugiés qui n’est pas près d’être réglée. Vont-elles ou non s’élargir, une fois passé le cap des élections portugaise et espagnole qui pourraient y contribuer ?