L’APPEL D’AIR DONT LE DANGER LES TÉTANISE, par François Leclerc

Billet invité.

La Route des Balkans n’a rien d’une promenade de santé pour les dizaines de milliers de réfugiés qui continuent de l’emprunter, conduisant Jean-Claude Juncker a évoquer le « long cortège de réfugiés qui rappelle les images de la deuxième guerre » pour s’en attrister. Depuis janvier, plus de 500.000 d’entre eux sont parvenus en Grèce, constituant la très grande majorité des 640.000 entrées dans l’ensemble de l’Union européenne. Et ce n’est pas fini.

À toutes les étapes de leur périple, un accroissement de leur flux est actuellement enregistré sous l’effet de la venue proche de l’hiver et de la crainte de voir les frontières se fermer – périls qu’il faut tous deux devancer – et de la guerre en Syrie. La Grèce enregistrait ces derniers jours un pic des arrivées dans ses îles où les conditions de l’accueil continuent de se dégrader faute de moyens. Tout indique qu’il ne va pas faiblir : selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), 100.000 Syriens fuyaient ces derniers jours en direction de la Turquie devant l’offensive de l’armée syrienne dans les provinces de Hama, Alep et Lattaquié.

Les tentatives de réguler cet exode volent en éclat sous la poussée irrésistible qui est enregistrée à chaque passage de frontière. Quand ils ne sont pas transportés par train ou autocar, les réfugiés progressent en famille à longues marches forcées, animés par la volonté de trouver un havre en Allemagne. Quand ils sont bloqués devant les frontières, ils en demandent l’ouverture sans se lasser.

La Slovénie et la Croatie constituent le seul point de passage depuis le fermeture de la frontière hongroise, et ces deux pays sont submergés par une foule qui dépasse leurs capacités d’accueil et de transport. En un mois, la Croatie a vu passer 217.500 réfugiés. Depuis samedi dernier, suite à la fermeture de la frontière croato-hongroise, la Slovénie a dénombré 34.131 arrivées de réfugiés et fait désormais appel à la « solidarité européenne ». Mais, dès que l’un de ces deux pays tente de limiter le nombre de réfugiés entrant sur son territoire, il crée immédiatement en amont un bouchon et doit céder.

Parvenir à ce qu’ils soient cantonnés en Turquie va demander un accord qui n’est pas trouvé. Ahmet Davutoglu, le premier ministre turc, a déjà récusé la perspective que la Turquie devienne « un camp de concentration » moyennant finance. La réouverture toute formelle des négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, ou l’assouplissement des conditions d’obtention des visas pour les ressortissants turcs, peuvent-elles constituer une contrepartie suffisante ? Les autorités européennes peuvent-elles aujourd’hui ignorer leurs critiques d’hier à l’égard du régime ?

Par défaut, la Grèce pourrait dans un premier temps jouer ce rôle de tampon. Le gouvernement grec réclame déjà le financement correspondant à la prise en charge des arrivants et de ceux qui viendront, mettant en évidence que les fonds européens ne suivent pas. Une fois les caméras éteintes et les micros coupés, les dispositions pratiques et financières font défaut ou sont insuffisantes et lentes à se mettre en place. Pour se rendre compte de la situation, le Commissaire européen aux migrations, Dimitris Avramopoulos, se déplace enfin sur le terrain et se rend en Slovénie après avoir été à Lesbos.

Ne pouvant laisser se pérenniser le spectacle d’un exode de plus en plus éprouvant, Jean-Claude Juncker a convoqué dimanche à Bruxelles les dirigeants des pays de la Route des Balkans, depuis la Grèce jusqu’à l’Autriche. La Serbie et la Macédoine, qui ne font pas partie de l’Union européenne, sont également invitées. L’objectif est de parvenir à « une plus grande coopération, des consultations plus poussées et des actions opérationnelles immédiates ».

Cela n’ira pas jusqu’à créer un corridor humanitaire incluant la traversée de la mer Égée, afin de ne pas créer « un appel d’air » dont il n’est pas besoin pour gonfler les rangs de ceux qui fuient la guerre, animés par la conviction qu’il n’y a pas de futur pour leurs enfants dans leur pays.