Billet invité.
« La perspective d’une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis et le ralentissement en Chine alimentent une incertitude et une plus forte volatilité des marchés », s’alarme Christine Lagarde en prélude de l’assemblée générale du FMI à Lima (en termes moins choisis : des masses de capitaux sont à la recherche d’affectation, sans se soucier des dégâts qu’ils commettent). La conjonction des deux phénomènes est également redoutée en raison de son impact sur une croissance des pays émergents, jugée « décevante » (traduire : démentant une fois de plus les prévisions), ainsi que sur la croissance mondiale. On a connu plus optimiste.
Partie pour être durable en raison de la baisse de la croissance chinoise, la chute du cours des matières premières a un fort impact sur les finances des pays qui en sont les grands exportateurs, notamment le Brésil et la Russie. Le phénomène contribue à la décélération du commerce mondial, que souligne l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’époque où les échanges internationaux progressaient deux fois plus vite que l’économie est révolue et la tendance s’inverse, signalant que les temps ont décidément changé où que l’on tourne la tête.
Le confirmant, l’Institut international de la finance (IIF) estime que le « super-cycle de croissance des pays émergents » de ces vingt dernières années semble à sa fin, rejoignant les analyses qui considèrent terminée l’ère de « l’hyper globalisation ». Afin de se rassurer, il y est trouvé des raisons structurelles, comme le poids croissant des services dans les économies développées, qui se prêtent peu aux échanges commerciaux sur lesquels les pays émergents ont bâti leur croissance.
La perspective d’une hausse prochaine du taux principal de la Fed contribue à des sorties de capitaux qui étaient venus y chercher de la rentabilité, mais le phénomène est accentué par une baisse de leurs entrées liée aux incertitudes propres aux pays émergents. Au final, selon l’IIF, les 30 pays du périmètre étudié devraient connaître en 2015 des sorties nettes de 541 milliards de dollars.
Les conséquences de la hausse prévisible du dollar ne se limitent pas à ce phénomène. Comme le FMI le note, la dette des entreprises des pays émergents a explosé durant la dernière décennie, plus particulièrement depuis 2008, passée durant cette période de 4.000 milliards à 18.000 milliards de dollars. Dans le contexte du ralentissement de la croissance actuel, Le remboursement de cette dette soulève une interrogation majeure, pouvant expliquer que le FMI est si catégoriquement défavorable à la hausse du taux de la Fed, car elle est très souvent libellée en dollars.
L’IIF voit dans cette situation un trait de vulnérabilité important : « Les pays avec de hauts niveaux d’endettement des entreprises, particulièrement en dollars, auront des difficultés, avec des risques grandissants de défaillances d’entreprises, un affaiblissement des investissements et de la croissance ». L’attention s’est abusivement exclusivement portée sur la menace représentée par la croissance de la dette publique dans les pays développés, négligeant cette dette privée des pays émergents qui d’un seul coup pose problème.
La dette (publique comme privée) et la croissance sont décidément les deux grands sujets du moment, le remboursement de l’une dépendant de l’autre. Parlant de cette dernière, la Banque Mondiale fait entendre un nouveau son de cloche et prend toutes ses distances avec la théorie selon laquelle les miettes tombent de la table du festin. Selon Jim Yong Kim, son président, « focaliser sur la croissance du PIB est simpliste. Nous rejetons les approches qui prennent pour acquis que tout type de croissance imprègne et fortifie les fondations et rejaillisse sur les pauvres ». Il appartient aux États de trouver un mode de croissance qui « promeut les citoyens les plus pauvres plutôt que de maintenir ceux qui sont en haut de l’échelle ». Posée, l’équation n’est pas résolue.