Billet invité.
Que peut-on attendre du retour au pouvoir haut la main de Syriza ? Certainement plus que la poursuite du débat sur ce qu’il aurait dû faire ou non ! Les électeurs grecs n’ont pas répondu aux attentes des autorités européennes qui auraient vu d’un bon œil une victoire de Nouvelle démocratie, celui-ci ayant fait campagne pour un gouvernement de coalition dont Alexis Tsipras rejetait la perspective.
À toute chose malheur est bon, ont-elles pu se consoler, Syriza est plus à même de rompre avec le clientélisme grec et de mieux faire rentrer les recettes fiscales, dont dépendent la réalisation du nouveau plan. Et elles feignent d’ignorer qu’Alexis Tsipras a clairement déclaré qu’il ne croyait pas à celui-ci, qu’il a signé contraint. Ou que Syriza, le Pasok et même Nouvelle Démocratie ont durant la campagne électorale déclaré vouloir renégocier certaines de ses mesures pour leur en substituer d’autres. Avec le premier examen de passage en novembre, on entrera dans le vif du sujet, car un projet de budget très encadré devra être présenté.
A propos de la dette, les contours d’un compromis avec le FMI s’annoncent. Il est question de plafonner à 15% du PIB le montant annuel des remboursements des prêts, une disposition qui ne pourra jouer qu’en 2023 lorsque les échéances se feront à nouveau pressantes. La question sera ainsi repoussée si ce mécanisme est adopté. Atteindre les objectifs annuels d’excédent budgétaire qui sont assignés ne le pourra pas : l’économie grecque est dévastée et les banques sont au bout du rouleau, le PIB est inférieur de 25 % à son niveau de 2009. La logique du plan sera alors d’accroître les coupes budgétaires pour suppléer aux recettes fiscales insuffisantes, accentuant le cercle vicieux déjà bien engagé si elle est poursuivie.
Ce qui va se jouer, c’est aussi la capacité de Syriza à appliquer son programme. Mais celui-ci pêche par optimisme à propos des rentrées budgétaires, qu’elles proviennent des fonds du fantomatique plan Juncker, du programme de privatisation, ou de l’excédent budgétaire. Plus crédible est l’intention de soutenir la création de sociétés coopératives et de mobiliser les forces vives qui se manifestent déjà et organisent par défaut des pans entiers de l’activité sociale, dont l’enseignement et la santé. Mais si cette mobilisation permet aux Grecs de subsister, l’effet sur la relance de l’économie risque fort d’être marginal. Développer un secteur que dans d’autres temps on aurait qualifié d’autogestionnaire nécessite un soutien financier des banques que celles-ci ne sont pas en mesure de lui apporter, plombées par ce que les économistes appellent par un euphémisme comme ils les aiment tant, les prêts non performants dont les montants s’accroissent.
À propos de l’état de ces dernières, le verdict de la BCE est attendu, et il faut faire vite. Les nouvelles dispositions du sauvetage des banques privilégiant le bail-in entrent en vigueur au 1er janvier prochain et, si elles devaient être appliquées, elles ponctionneraient le reste de trésorerie des PME grecques, comme la BCE l’a fait remarquer pour les protéger. Car, comme l’aurait été la suppression des liquidités d’urgence aux banques, la confiscation des dépôts des PME aux fins de renflouement des banques précipiterait la Grèce dans l’abime. Il faut donc savoir ce que l’on veut !
Une seule question vaut d’être posée : combien de temps la fiction du troisième plan de sauvetage grec va-t-elle pouvoir être maintenue ? Les plus hautes autorités européennes se félicitent de la stabilité politique résultant des élections, la Commission estime « qu’il n’y a pas de temps à perdre », François Hollande va jusqu’à en tirer des leçons de politique intérieure au nom du réalisme dont il félicite Syriza après l’avoir initialement abandonné en rase campagne, mais il est à craindre qu’il n’en fasse pas exagérément preuve. Étonné ?