LA GLOBALISATION POUR LE PIRE, par François Leclerc

Billet invité.

L’achèvement de la globalisation financière confirmé, celui de l’économie l’est tout autant. Mais les deux ne se présentent pas sous leur plus beau jour. A la faveur de la crise entamée en 2008, la première a montré à quel point l’activité financière était devenue mondialisée pour le pire quand l’occasion s’en présentait, la seconde, longtemps encensée pour ses bienfaits, est arrivée au terme de ses exploits.

De manière symptomatique, les interrogations se multiplient à propos du crédit à apporter aux statistiques chinoises, et en particulier au chiffre miracle sur lequel l’attention est concentrée : celui de la croissance. Rien de nouveau pour les spécialistes en vérité – ils savent à quoi s’en tenir – mais cela illustre la généralisation d’une profonde inquiétude sur la brutalité de l’atterrissage chinoise, ainsi que sur sa durée. Ce dont les nouvelles prévisions de l’OCDE, qui viennent d’être rendues publiques, rendent compte en faisant part de « doutes grandissants sur les perspectives de croissance potentielle à moyen terme aussi bien dans les économies avancées qu’émergentes ».

Signe de l’étroite interconnexion mondiale de l’activité économique, les canaux de propagation de la chute de la croissance chinoise sont multiples, pas toujours discernables, rendant ses conséquences difficiles à prévoir. Problème : il était compté sur celle-ci pour tirer la croissance mondiale. Rapportée à la crise dans sa version européenne, l’un de ces canaux n’attire pas assez l’attention. Un mouvement massif de carry trade inverse accompagne la crise brutale des pays émergents qui subissent le contrecoup de la baisse du prix des matières premières, en raison de la chute de la demande chinoise, ainsi que celle plus générale du commerce mondial. En termes moins jargonnant, cela signifie que les capitaux refluent brutalement des pays émergents où ils s’étaient rendus à la recherche de rendement. On parle d’un montant de mille milliards de dollars, ce qui donne l’ordre de grandeur des grands flux de capitaux dans un monde financier hypertrophié et une idée des dégâts qu’ils peuvent causer.

Mais une question s’impose : n’y aurait-il pas des capitaux européens en quantité dans ce mouvement, et ceux-ci n’auraient-ils pas été investis sur le marché boursier américain florissant plutôt que de les rapatrier ? Dans ce cas, les investisseurs européens joueraient à la roulette en attendant la décision de la hausse des taux de la Fed, accentuant la sensibilité européenne à un marché américain instable. Plus grave, ces capitaux feraient défaut à toute relance de l’économie européenne, et celle-ci resterait tributaire de la demande extérieure pour se refaire, au moment même où elle flanche !

La stratégie européenne réaffirmée contre vents et marées n’avait pas besoin de ce nouveau coup du sort.