Billet invité
Comme prévu, tout leur réussit ! En raison de l’exode massif des réfugiés, une gigantesque confusion s’est instaurée sur la route des Balkans. La Bavière étant débordée par l’afflux de ceux qui cherchent refuge en Allemagne, Berlin a décidé dimanche de rétablir pour une durée non précisée le contrôle de ses frontières. La Hongrie, qui a annoncé en faire de même demain mardi, évacue vers l’Autriche par trains spéciaux et sans formalités les réfugiés qui s’y trouvaient retenus ou ont réussi à y entrer in extremis. Pays de transit, l’Autriche est prise en tenaille entre les deux et va faire appel à l’armée pour apporter une aide humanitaire et contrôler ses frontières. Redoutant que les réfugiés contournent la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie accroissent la surveillance des leurs. La Pologne annonce qu’elle en fera de même « en cas de danger pour sa sécurité ». Les réfugiés entrés en Serbie ou en Macédoine vont être bloqués.
La route de l’exode des Balkans va être coupée. Sur celle de la Méditerranée, au large des côtes de la Libye, la force militaire va être engagée afin d’arraisonner, fouiller, saisir et dérouter les embarcations soupçonnées d’être utilisées par les passeurs. Les suspects seront remis à la justice italienne et les réfugiés acheminés en Italie. Retournement de situation, la Grèce et l’Italie sont sommés d’assumer leurs responsabilités comme pays d’arrivée dans l’espace Schengen, et d’instaurer des « hot spots », appellation anodine de centre de tri. Il est pour les besoins de la cause oublié que ces deux pays ont précédemment laissé passer les réfugiés de crainte qu’ils ne soient bloqués sur leur territoire, faute d’un accord européen concernant leur accueil qui n’est toujours pas trouvé. Comment leur donner tort à la lumière des événements ?
Les ministres de l’intérieur des Vingt-huit se rencontrent aujourd’hui et, à défaut d’obtenir un accord sur le système de répartition des réfugiés par quotas toujours refusé par plusieurs pays de l’Est, vont pouvoir enregistrer l’étendue des dégâts résultant de leur inaction collective. Ainsi que constater que la grande majorité des réfugiés cherche à se rendre en Allemagne, ce qui impliquera ultérieurement de les orienter autoritairement vers un pays d’accueil s’ils parviennent à trouver une solution pour les répartir. Par ailleurs, si des centres de tri sont finalement mis en place en Grèce et en Italie, il faudra se rendre à l’évidence : une forte majorité des réfugiés pourra prétendre au droit d’asile si leur nationalité est retenue comme principe discriminatoire.
Ce programme accompli, les autorités européennes ne seront pas au bout de leurs peines, l’exode se poursuivant et le plafond de 260.000 réfugiés destinés à être répartis, crevé, comme Angela Merkel et Jean-Claude Juncker veulent l’anticiper. Toutes les pistes sont donc explorées pour soulager cette pression prévisible : aides destinées à la Turquie, au Liban et à la Jordanie qui accueillent déjà l’essentiel des réfugiés afin qu’ils en prennent davantage en charge, ou sollicitation des pays du Golfe pour qu’ils en fassent de même.
La règlementation Schengen n’a pas résisté à l’épreuve, mais par quoi la remplacer ? Les pays d’arrivée des réfugiés n’ont pas joué le rôle qui leur était incombé en raison des arrivées massives de réfugiés auxquels ils ont été confrontés, et les pays de prédilection ou de transit de ceux-ci ferment leurs frontières pour un provisoire qui peut être amené à durer. Habituées au déni quand elles n’ont pas de solution aux problèmes qu’elles rencontrent, les autorités européennes n’ont de ce point de vue pas failli, n’ayant pas prévu un inévitable exode massif, comme si l’Europe pouvait se prémunir des conséquences de la guerre qui fait rage au Moyen-Orient.
Commencé sous l’impulsion de la crise financière, le processus de désintégration progressive de l’Europe se poursuit. Faute de réponse collective, les solutions individuelles prévalent. L’Europe avait repris une certaine consistance, les Européens de nombreux pays ayant manifesté leur solidarité active aux réfugiés, mais elle est en passe de la reperdre.