LE GRAND MYSTÈRE DU CALCUL DU RISQUE, par François Leclerc

Billet invité.

« Qu’est-ce que les banques européennes ont réellement dans le coffre ? ». La question n’a jamais été résolue et le mystère continue de planer, mais il va falloir encore attendre quatre ans pour connaître la réponse, et ce ne sera que celle que la BCE apportera…

Chargée de la supervision de 123 banques européennes considérées comme systémiques – certaines ayant été opportunément écartées de la liste, notamment allemandes – la BCE a trouvé comme prétexte l’ampleur de la tâche à accomplir pour accorder ce délai. Les banques pourront accessoirement en bénéficier. La banque centrale va devoir procéder à un examen des quelques 7.000 modèles différents de calcul du risque des actifs détenus par les banques qu’elle contrôle, nous est-il révélé. Nul doute qu’il y a à boire et à manger.

La réglementation laisse la possibilité aux banques d’utiliser, après agrément, des modèles propriétaires de calcul du risque : Risk-weighted Assets (RWA) dont dépendent le montant des fonds propres réglementaires en application des ratios du Comité de Bâle. Et elles ne se privent pas d’utiliser cette latitude, alimentant la suspicion sur la complaisance de leurs calculs et la sous-capitalisation qui en résulte.

Lors d’un épisode précédent, la BCE avait mis en évidence des discordances importantes entre ces modèles en les comparant, des actifs identiques étant jugés porteurs de risques différents. Mais il s’agit cette fois-ci d’aller plus loin et de ne pas se contenter d’homogénéiser les calculs, mais de scruter le cœur du problème. Autant dire d’accomplir une mission impossible, les grandes banques européennes étant réputées particulièrement friandes des produits structurés complexes dont le calcul du risque relève du doigt mouillé.

La BCE n’a rien dit de la méthodologie qu’elle envisage d’employer, mais l’on sait déjà que des sous-traitants vont être mobilisés par ses soins, étant donné l’ampleur du travail d’analyse à accomplir. Une dizaine de contractants seraient pressentis, et c’est là que le bât blesse : sélectionnés en fonction de leur expertise, ils auront barboté dans la même baignoire que les banques… De la difficulté d’être expert et indépendant à la fois, un problème bien connu des chargés du recrutement des régulateurs !

Entre les délais qu’elle accorde aux banques et les méthodes qu’elle emploie, la crédibilité de la BCE ne sort pas grandie par avance de cette affaire, mais comment s’en étonner ? Il fallait trouver un garant au dessus de tout soupçon pour une cause impossible à défendre. Avec comme risque, qui cette fois-ci n’a pas besoin d’être calculé, de dévaloriser le garant.