Billet invité.
Un simple Eurogroupe a suffi pour avaliser dans l’urgence un 3ème plan dont Wolfgang Schäuble a estimé qu’il serait « totalement irresponsable de ne pas utiliser cette chance » ! Exit la « sortie provisoire » de l’euro, la Grèce en restant membre « de manière irréversible » selon Jean-Claude Juncker. De quoi peut se prévaloir ce plan ? Du transfert de la dette du FMI et de la BCE au MES, c’est-à-dire aux États européens qui en garantissent les emprunts sur le marché. Pour le reste, tout est en suspens.
L’accent est mis sur les objectifs de privatisation – 6 milliards d’euros dans le cadre du plan sur un total hypothétique de 50 milliards à terme qui laisserait l’État démuni- ainsi que sur les tranches et sous-tranches de versements successifs d’un plan plafonné à 86 milliards d’euros, dont le montant final n’est pas donné car son financement n’est pas bouclé. La mise sous tutelle de la Grèce sort renforcée et emprunte la forme d’un examen continu.
Soumises à très rude épreuve par la BCE, qui les a maintenues juste à flot dans le cadre du dernier bras de fer intervenu entre le gouvernement grec et ses créanciers, les banques grecques sont l’objet d’attentions particulières, recapitalisées dans l’urgence grâce à 10 milliards d’euros en attendant que la BCE y voie plus clair, avant de remettre probablement au pot 15 milliards d’ici novembre. L’objectif de ce calendrier est de ne pas avoir à appliquer les nouvelles règles européennes du bail-in, qui n’entreront en vigueur qu’en 2016, afin de ne pas mobiliser les fonds de roulement des PME grecques, ce qui parachèverait la destruction du tissu économique du pays déjà très mal en point.
Comment redresser cette économie dévastée ? Seuls 3 milliards d’euros du programme pourront être utilisé à cette fin, s’ils sont disponibles. À propos de la dette, le FMI va faire antichambre, tout effacement nominal de celle-ci ayant été écarté dans le communiqué final de l’Eurogroupe. Seul un « rallongement des périodes de grâce et de remboursement » pourra être envisagé en octobre prochain, quand la question reviendra sur le tapis d’après Jeroen Dijsselbloem. Un arrangement qui ne satisfait pas le FMI, Christine Lagarde continuant d’insister sur le fait que la dette est trop lourde.
Le quotidien allemand Die Welt a dévoilé une analyse de l’évolution de la dette grecque par la Commission. Actuellement de 320 milliards d’euros (170 % du PIB), elle va continuer à grimper pour dépasser les 200 % de celui-ci l’an prochain. Selon le scénario intermédiaire, elle ne devrait être redescendue qu’à 122 % à échéance de 2030, soit au-dessus de la limite théorique de sa soutenabilité par le FMI (120 %). Mais ces données en pourcentage du PIB s’appuient sur des prévisions de croissance qui n’ont pas été données. Or la Grèce, à peine sortie de six ans de récession, va y replonger dès cette année, et les prévisions de retour à la croissance, à partir de 2017, n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs (elles atteignent 3,1 % en 2018)…
Si une partie des six heures de discussion de l’Eurogroupe a été consacrée aux objectifs d’excédent budgétaire primaire (avant remboursement de la dette), rien n’en a finalement transpiré. Ceux-ci ne semblant pas avoir été augmentés, ils n’en restent pas moins établis à des niveaux très élevés dès la troisième année du plan, pour les besoins de la cause.
Le mot de la fin revient à Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE : « Peut-être que si nous avions porté auparavant une plus grande attention à ces mesures structurelles comme l’ouverture des marchés, l’amélioration de la collecte des impôts, la lutte contre les groupes d’intérêts, le poids de l’ajustement porté sur les plus vulnérables aurait été réduit et le redressement de la Grèce accéléré ». Il est un peu trop tard pour s’en rendre compte mais il serait encore temps d’y remédier et de recalibrer la politique d’ajustement budgétaire poursuivie dans toute l’Europe.