Billet invité.
Les derniers mètres sont les plus difficiles à parcourir. Le moment de l’annonce initiale de l’accord passé, la Commission a reconnu la nécessité de son « évaluation politique » sans préciser qui pourrait la réaliser, et tout y est désormais suspendu. Le Conseil européen, qui regroupe les chefs d’État et de gouvernement, n’est pas convoqué, et l’Eurogroupe a toujours été considéré comme une instance technique. Comment procéder alors ?
D’une manière ou d’une autre, il va falloir mettre les formes vis à vis du gouvernement allemand, qui pour exprimer son désaccord a fait savoir que « l’exhaustivité passe avant la rapidité » sans monter sur ses grands chevaux. La question est d’importance, car celui-ci dispose de deux droits de veto : en raison de l’aval obligatoire du Bundestag, et au sein du MES où une majorité de 85% des voix est requise pour décider de tout prêt.
Écarté des négociations, le gouvernement allemand se rappelle maintenant au bon souvenir de tous. Que peut-il chercher en voulant reprendre la main ? Un durcissement des mesures exigées, ou plus probablement des assurances en terme de surveillance budgétaire au sein de la zone euro, dans le cadre des discussions qui sont engagées à propos de sa nouvelle gouvernance ?
Une fois cette question réglée dans les couloirs, les désaccords ne vont pas manquer de ressurgir. Certes, les objectifs du nouveau plan ont été adoucis, et aucune nouvelle mesure d’austérité ne semble avoir été ajoutée aux précédentes, à considérer la liste des 35 mesures exigées, mais cela ne rend pas leur réalisation plus probable. Le plan est de trois ans, mais combien de temps faudra-t-il pour constater qu’il a déraillé et qu’il faut l’actualiser ? Et les objectifs réduits d’excédent budgétaire comme les nouvelles prévisions de croissance à la baisse vont rendre inévitable une plus ample restructuration de la dette, comme le FMI l’a déjà souligné. La seule issue sera de s’en tenir à un « reprofilage » portant sur le calendrier et les intérêts, afin de ne pas tailler dans le vif, et d’éloigner le moment où il faudra commencer les remboursements afin de n’avoir à y revenir que le plus tardivement possible.
La commission, le FMI et la BCE se sont appliqués à de ne pas mettre de l’huile sur le feu afin de ne pas rééditer l’exploit des chefs d’État et de gouvernement en l’aggravant. Alexis Tsipras pourra faire valoir qu’il est parvenu à bloquer de nouvelles coupes budgétaires, pour l’essentiel. Combien de temps la fiction que représente ce nouveau plan va-t-elle pouvoir tenir ?