UN DÉBAT SUR L’EUROPE MINÉ PAR LA GRÈCE, par François Leclerc

Billet invité.

La Grèce a révélé l’épuisement d’une Europe en bout de course. Non seulement en raison de son fonctionnement défectueux, comme on entend beaucoup dire, mais avant tout à cause de sa politique. La rigueur budgétaire devait permettre le désendettement et l’amélioration de la compétitivité entraîner le retour de la croissance, mais cela ne se concrétise toujours pas, les années passant.

Les tentatives de faire des bons élèves de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne – à qui un même remède de cheval a été administré – ne convainquent ni les Irlandais, ni les Portugais ni les Espagnols. Le mirifique plan d’investissement européen de la Commission qui fait pour l’essentiel appel aux investisseurs privés ne voit pas le jour, et la seule promesse appelée à se concrétiser réside dans une Union des marchés de capitaux notamment destinée à favoriser la relance grâce au levier de la titrisation.

Face à la montée du scepticisme et du rejet que suscite le spectacle dérisoire et peu engageant de la politique européenne, le retour des grandes envolées européennes est de saison. François Hollande parle de gouvernance économique – pour laisser la politique aux chefs d’Etat et de gouvernement – et de Parlement de la zone euro pour lui donner une façade démocratique. Il y rajoute en prime une « avant-garde » au sein de laquelle il pense pouvoir mieux négocier un assouplissement des traités. L’heure est venue pour lui d’abattre ses cartes sans encore les retourner.

L’ordo-libéralisme et le social-libéralisme ne sont après tout pas si éloignés l’un de l’autre, et une synthèse peut en être tentée, on reconnait là le stratège des fins de Congrès. Mais tout ceci n’est que paroles verbales et ne définit pas un renouveau politique. L’Europe est encalminée, sous le coup de la lowflation en dépit des efforts aux résultats mitigés de la BCE de combattre la pression déflationniste, marquée par un taux de croissance qui ne décolle pas, un chômage qui ne se résorbe pas et un accroissement des inégalités, contre laquelle rien n’est fait. Priorité a été donnée au désendettement avec le succès que l’on sait, et si la BCE n’avait pas pris l’initiative d’élargir sa mission, la zone euro aurait éclaté.

Cherchant à infléchir la politique en cours, et non pas à la changer, François Hollande déclare que « ce qui nous menace, ce n’est pas l’excès d’Europe, mais son insuffisance ». Encore et toujours cette habitude de biaiser et de se placer sur un terrain tout en ayant des visées sur un autre ! Le débat sur la configuration de l’Europe qu’il cherche à relancer va commencer alors que devraient s’engager les négociations sur le 3ème plan de sauvetage de la Grèce, toujours promise à dévoiler le dessous des cartes. Sous ces auspices symboliques, qui s’annoncent très tendues, puis dans le cadre d’un plan de trois ans destiné à échouer.

Faisant face à des échéances électorales, les gouvernements espagnol, italien et portugais ont levé le pied des mesures d’austérité budgétaire, afin d’en passer le mieux possible le cap. A contrario, le gouvernement britannique à peine élu vient de présenter un projet de budget renforçant les mesures d’austérité et coupant dans les prestations sociales. En terme d’évolution de la politique européenne, c’est tout ce que l’on peut constater pour le moment : des accommodements du moment.

Le président français peut s’appuyer sur l’éclairante contribution du Parlement européen au débat ouvert par le rapport des cinq présidents et portant sur l’achèvement de l’union économique et monétaire. Les deux sont passés largement inaperçus en raison de la crise grecque, la résolution du Parlement ayant été adoptée en juin dernier par le groupe socialiste allié à la droite (PPE). En ouverture, elle donne des gages de responsabilité et affirme le respect des « règles » adoptées. Elle a pour objectif de promouvoir des aménagements à celles-ci, non plus de circonstance et pays par pays, mais au niveau européen, afin de mieux les appliquer. Le mot clé est « flexibilité », et il est proposé de dégager « une capacité budgétaire » au niveau de la zone euro afin d’aider les gouvernements à mettre en œuvre les fameuses réformes structurelles.

C’est au pied du mur que l’on voit le maçon ! Rendez-vous à Athènes et non pas à Berlin, Strasbourg ou Bruxelles. Quand et à quelles conditions la lourde machinerie des fonds structurels européens promis par Jean-Claude Juncker permettra-t-elle de dégager des fonds ? Il ne suffit pas de faire valser les milliards, qui sont devenus l’unité de compte quand on joue petit… La Grèce est une verrue dont les plus hautes autorités ne sont pas prêtes de se débarrasser et le débat sur l’Europe apparaît pour ce qu’il est : une opération de diversion.