Billet invité.
Les nouvelles propositions du gouvernement grec, proches de celles qui ont été rejetées dimanche dernier, témoignent de sa volonté de trouver un compromis pour rester dans l’euro. Mais « rien n’est encore fait, mais tout doit être fait », comme a dit François Hollande qui pousse à la roue. Deux examens de passage aux résultats incertains vont avoir lieu aujourd’hui, au Parlement grec puis à l’Eurogroupe. Christine Lagarde, Jean-Claude Juncker, Mario Draghi et Jeroen Dijsselbloem vont se concerter en début d’après-midi par téléphone.
Ce n’est pas seulement le sort de la Grèce qui est en jeu. La boîte de Pandore de la dette européenne est désormais ouverte, et il ne sera plus possible en tout état de cause de la refermer. Jean-Claude Trichet, l’ancien directeur général de la BCE, vient de découvrir qu’en cas de sortie de la Grèce de l’Euro, « les créanciers devraient renoncer à la quasi-totalité de leurs remboursements ». C’est un bon début, quoique fort tardif.
Forcé et contraint, le gouvernement grec propose des « actions prioritaires et engagements » qui le conduisent à reculer encore, car il entend continuer à mener la bataille sur le terrain de la dette durant les trois ans à venir du nouveau plan en discussion. Wolgang Schäuble a tenté hier d’allumer un contre feu en expliquant, non sans hypocrisie, que le FMI avait raison de réclamer une restructuration de la dette, mais que malheureusement les traités l’interdisaient et que, si on le comprend bien, cela supposerait au préalable que la Grèce sorte de l’euro…
Angela Merkel fuyant autant que possible ce débat peut encore se réfugier sur un autre terrain sur lequel elle s’est déjà située, en arguant de la détérioration de la situation économique grecque – résultat de l’asphyxie financière à laquelle elle a largement contribué – pour exiger des mesures supplémentaires d’austérité. Elle prend le risque de tout bloquer et de prendre la responsabilité qu’elle voulait éluder d’une sortie de la Grèce de l’euro.
Au contraire, Pierre Moscovici, a estimé que si la Grèce « s’engage à des réformes de moyen et long termes, les créanciers doivent offrir un horizon, un espoir aux Grecs », impliquant de « s’attaquer au poids de la dette grecque ». Emmanuel Macron, le ministre français de l’économie, a de son côté estimé que « le niveau de réformes est de nature à répondre aux attentes », et que « dans ce contexte, il est évident que les éléments d’une restructuration de la dette se poseront ».
Derrière ces deux approches antagoniques se cachent deux visions différentes de la stratégie européenne, par rapport auxquelles les protagonistes prennent leurs marques : la Grèce est devenue un pion dans une partie qui la dépasse mais à laquelle elle entend de continuer à participer. Pour la première fois, une bataille politique d’ampleur est indirectement engagée avec pour but d’assouplir la stratégie imposée par le gouvernement Merkel. Portant à la fois l’empreinte de l’idéologie ordo-libérale et de la défense des intérêts du capitalisme allemand, celle-ci vient de rencontrer grâce à la détermination grecque un échec majeur. C’est au tour de Berlin de connaître l’isolement.