Billet invité.
Y a-t-il encore une session de rattrapage ? Sur quelles bases un accord pourrait-il encore se faire à l’occasion du sommet de la zone euro de lundi prochain ? Des plans sont déjà évoqués dans la presse allemande et grecque, mais ce ne peut à ce stade être que des projets plus ou moins solides qui ne sont pas validés. D’autres plans avaient auparavant fuité, jouant les repoussoirs dans un contexte très mouvant où cependant tout est possible.
Un scénario chypriote et un autre islandais étaient tour à tour envisagés, à l’initiative du gouvernement allemand – et représentant une victoire pour Wolfgang Schäuble – ou provenant de l’aile gauche de Syriza. Le premier reposerait sur l’accentuation de la crise bancaire grecque, qu’il suffit d’attiser, aboutissant à l’instauration inévitable d’un contrôle des changes et à la mise sous tutelle du gouvernement grec, à moins que celui-ci ne nationalise le système bancaire, cesse de rembourser sa dette et décide de vivre sa vie en quittant l’euro, n’ayant plus rien à perdre. Les modalités du second ne seraient finalement pas différentes, sauf que le gouvernement grec en aurait l’initiative.
Dans les deux cas, les créanciers de la Grèce auraient tout à perdre, car il serait dans l’intérêt des Grecs de privilégier le remboursement de leurs créanciers privés, tandis que les plus hautes autorités européennes devraient assumer les lourdes conséquences financières du sauvetage initial de leurs banques. Le pacte budgétaire européen y survivrait difficilement. En déclarant qu’il fallait « tout faire » pour parvenir à un compromis, François Hollande n’a pas sacrifié à l’un des poncifs en vogue du monde politique : il a exprimé son refus catégorique d’une telle éventualité, on croit en comprendre les raisons. Reste toutefois à en trouver le moyen ! Trois questions devraient être réglées pour éviter un défaut grec qui créerait une dynamique difficilement contrôlable de sortie de l’euro, une situation entre deux eaux n’étant pas durable. Il y a du grain à moudre.
En premier lieu en accordant une troisième prolongation au plan de sauvetage qui se termine fin du mois, jusqu’au moins à la fin de l’année. Elle serait assortie de dispositions financières : le déblocage des 7,2 milliards d’euros en suspens, un prêt du Mécanisme européen de stabilité (MES) destiné à rembourser la BCE, le déplafonnement par la BCE de l’émission de bons du trésor par le gouvernement grec et l’utilisation des fonds destinés aux banques et toujours disponibles sont parmi les mesures envisageables. Du temps serait accordé, mais rien ne serait réglé.
En second, de conditionner cette prolongation à un compromis sur les retraites. Mais les marges de manœuvre du gouvernement grec sont dans ce domaine très réduites, afin de préserver autant que possible cet unique revenu de nombreuses familles comme il l’a fait valoir, et ce ne pourrait être que symbolique ou n’intervenant que sur d’autres modalités que le montant des retraites. Sur d’autres dossiers, comme celui de la TVA, un compromis reste toujours à trouver.
En troisième, d’aborder la suite des évènements sur la base d’une déclaration d’intention. Le FMI ne serait probablement pas partie prenante, la dénomination du programme ferait l’objet d’un débat, et la question de la dette serait enfin abordée. Il ne pourrait être concédé par les créanciers européens que des allègements de maturité des prêts bilatéraux des États et de ceux du Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui sont de trente ans : les taux déjà consentis sont déjà très bas et le FESF qui emprunte lui-même sur les marchés n’a que peu de marge de manœuvre, est-il expliqué. Il en ressortirait que les annuités de remboursement diminueraient mais que le coût du crédit augmenterait, et que le problème de la soutenabilité de la dette serait renvoyé à plus tard en raison d’un plan d’amortissement soulageant les premières années.
Une quatrième question sans cesse soulevée par le gouvernement grec, sans succès, serait-elle traitée ou plus probablement remise à plus tard ? Le gouvernement grec n’a cessé de poser la problématique des moyens financiers de la relance de l’économie grecque. La Commission, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) pourraient intervenir dans un deuxième temps.
Ce ne sont que de fragiles hypothèses, dont la concrétisation va devoir encore franchir de sérieux obstacles. Déjà, suite à une conversation entre Angela Merkel et François Hollande, est évoquée l’idée que le sommet de lundi ne serait pas conclusif et devrait être suivi d’un autre ! Mais si un plan reprenant plus ou moins ces mesures était finalement adopté, malgré toutes ses limites, il ne résulterait pas de la sagesse et de la clairvoyance des plus hautes autorités européennes, mais du talent et de l’opiniâtreté de l’équipe de Syriza au pouvoir. Son exemple représenterait, contrairement à ce qui était recherché, une incitation à exiger et à obtenir un changement de politique.