Billet invité.
Comme prévu, rien n’est sorti de la 8ème réunion de l’Eurogroupe ayant la Grèce à l’ordre du jour depuis l’accord du 20 février dernier. Et si Pierre Moscovici a déclaré à son entrée qu’il fallait garder son sang-froid, Christine Lagarde l’a perdu à la sortie en lâchant que « l’urgence est de rétablir le dialogue, avec des adultes dans la pièce ».
Mettant en garde ses collègues, Yanis Varoufakis leur a fait remarquer que « nous sommes dangereusement proches de l’état d’esprit où l’on accepte un accident ». Ce que n’a pas manqué d’enregistrer Donald Tusk, le président du Conseil européen, qui a annoncé la tenue d’un sommet exceptionnel de la zone euro lundi prochain dans la soirée, car « il est temps de discuter de façon urgente de la situation en Grèce au plus haut niveau politique ». De son côté, Jeroen Dijsselbloem est prêt à organiser à tout moment une nouvelle réunion de l’Eurogroupe pour le préparer, admettant qu’une troisième prolongation du plan de sauvetage en cours serait nécessaire pour éventuellement débloquer les 7,2 milliards d’euros toujours en jeu. Il faut garder tête froide, en effet !
Ces tentatives de la toute dernière chance s’accompagnent de quelques amicales pressions, Benoit Coeuré de la BCE annonçant que certaines banques grecques pourraient ne pas ouvrir lundi en raison des retraits des déposants qui s’accentuent. En dépit d’une augmentation du montant des liquidités d’urgence décidée mercredi, la BCE pourrait renouveler le geste dès vendredi. Mais la décision n’est pas encore prise et cela peut faire réfléchir, sait-on jamais…
Signe de l’extrême tension qui règne, Yanis Varoufakis a publié sur son blog le texte écrit de son intervention à l’Eurogroupe, après « tant de désinformation à propos de mes exposés à l’Eurogroupe de la position du gouvernement grec ». Venu comme il l’avait annoncé sans nouvelles propositions sur les points chauds litigieux, il a prononcé un plaidoyer détaillant la situation du pays et des Grecs, énumérant les concessions faites par le gouvernement et argumentant à propos des exigences inacceptables de ses interlocuteurs. Glissant au passage qu’en raison des conséquences d’une sortie de l’euro de la Grèce, « les citoyens prendraient pour cible dans toute l’Europe non pas les institutions mais leurs ministres des finances, premiers ministres et présidents élus »… Opposant ensuite à leur intransigeance la position d’Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, qui demande des efforts des deux côtés.
Le ministre grec a aussi proposé d’adopter un plan en trois points, dont il a donné le détail. Celui-ci repose sur la poursuite des réformes entreprises et la mise en œuvre d’un dispositif indépendant destiné à éviter tout dérapage budgétaire, l’adoption de mesures favorisant le remboursement de la dette dans le cadre d’une rallonge jusqu’à fin mars 2016 du plan de sauvetage en cours, et un programme de soutien à la relance de l’économie grecque reposant sur la poursuite des privatisations, des prêts de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), et le soutien du plan Juncker. Il n’a rien obtenu.
Les créanciers européens persistent à déclarer que la balle est dans le camp de la Grèce, mais la décision d’appuyer sur le bouton rouge leur appartient et leur doigt ne semble pas très assuré. S’ils savent ce qu’ils ont a perdre, ils ne savent toujours pas comment l’empêcher.