Billet invité.
Que cherchent les créanciers de la Grèce, à nouveau engagés dans une sinistre comédie ? Non sans raison, Yanis Varoufakis les accuse dans la presse allemande de faire des négociations au finish une véritable guerre, après leur rejet sans autre forme de procès de nouvelles propositions grecques concédant notamment des augmentations douloureuses de la TVA. Le document issu de leur mini-sommet serait donc à prendre ou à laisser, leurs écrans de fumée dissipés, et le reste ne serait qu’habillage.
Afin d’exercer une pression maximum, ils font circuler depuis hier la rumeur d’une annulation du rendez-vous prévu aujourd’hui entre Angela Merkel, François Hollande et Alexis Tsipras, tandis que Jean-Claude Juncker joue les outragés. Du haut de leur planète, de hauts fonctionnaires font des commentaires méprisants sur le thème « nous ne céderons pas ! », accusant les Grecs de jouer la montre et ne voulant rien d’autre qu’une réduction de leur dette. Dans le même ordre d’idée, on s’attend également à ce que la BCE durcisse les conditions d’accès des banques grecques aux liquidités d’urgence en augmentant la décote sur le collatéral qu’elles doivent fournir en garantie, signalant la fin de cette partie.
Pourquoi prennent-ils le risque – après tant de vaines spéculations sur la reconfiguration du pouvoir à Athènes, – d’un échec final des négociations dont ils vont avoir du mal à attribuer la responsabilité aux Grecs, maintenant que les pièces du débat sont sur la table et qu’elles apparaissent dérisoires au regard de ce qui est en jeu ? Ici, un quart de point du PIB d’objectif d’excédent budgétaire en plus ou en moins, là une forte augmentation de la TVA sur l’électricité touchant les plus démunis ou des coupes dans les petites retraites ? Et en face, une montagne de dettes qui ne pourront être remboursées, le pays s’enfonçant dans tous les cas – accord tel qu’il est conçu ou pas – dans la récession et la crise sociale ?
Seraient-ils finalement parvenus à la conclusion que l’équation qu’ils prétendent résoudre n’a pas de solution ? Que les moyens qu’ils veulent imposer afin de dégager les excédents bruts qu’ils assignent n’y parviendront pas ? Contre toute attente, les créanciers auraient-ils décidé de couper court, afin de ne pas s’engager dans un second round de négociations les opposant à des interlocuteurs tenaces n’ayant plus rien à perdre ? A moins qu’il ne s’agisse de marquer le rapport de forces, comme les derniers instants d’une passe frontale entre aviateurs, quand il ne faut pas flancher au risque d’une collision aux effets définitifs ?
Les plus hautes autorités font de très petits calculs.
P.S. : Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission, a finalement fait savoir que « les dernières suggestions faites [par le gouvernement grec] ne reflétaient pas les discussions entre Messieurs Juncker et Tsipras », sans expliquer en quoi. Il serait question d’un quart de point d’excédent budgétaire pour cette année, si l’on a bien suivi ! Mais il a été plus explicite sur les raisons de l’insatisfaction de la Commission, dont il a fait part, définissant la poursuite des discussions comme visant à « créer les conditions pour un accord unanime des 19 membres de la zone euro ». Vite, des noms !