Billet invité.
Réalisme est le mot-clé de négociations qui ne pouvaient aboutir hier soir, comme d’ailleurs annoncé à l’avance par Jeroen Dijsselbloem, le leader de l’Eurogroupe, qui avait de bonnes raisons de le prévoir. Avec des représentants du FMI et de la BCE, celui-ci encadrait Jean-Claude Juncker, qui a bien présenté une position de compromis, mais c’était celle à laquelle les créanciers étaient parvenus entre eux !
En prenant leur document comme seule base de discussion, et en écartant celui du gouvernement grec qu’Alexis Tsipras voulait discuter, ils ont bloqué toute issue et n’ont pas encore fait preuve du réalisme qui s’impose. Ils se sont pris les pieds dans leur propre position de négociation, ne disposant pas de suffisamment de marge de négociation. Diminuer les objectifs d’excédent budgétaire ne résulte pas d’une volonté de compromis de leur part, mais d’une tentative de les rendre crédibles par rapport aux précédents, qui ne l’étaient pas de façon caricaturale. Mais les nouveaux seront-ils atteignables, passé le cap de la première année. ? Et les exigences de hausse de la TVA sur l’électricité ou de coupes des petites retraites, pour reprendre les deux exemples donnés par Alexis Tsipras aux journalistes, rendent inacceptable l’adoption d’une copie qui devra être revue, sous peine de continuer à être rejetée. Dans l’immédiat, le premier ministre grec va de nouveau converser par téléconférence avec Angela Merkel et François Hollande et les discussions vont se poursuivre.
La rigidité des créanciers de la Grèce a comme origine qu’ils ne veulent pas démordre de leur schéma : la dette doit être intégralement remboursée et il faut en rendre la perspective crédible sur le papier, quitte à ce revenir sur cette question quand il ne pourra plus être fait autrement, ou quand des échéances électorales seront passées. Une fois le cap des négociations en cours passé, ils entendent continuer d’utiliser la BCE comme exécuteur de leurs hautes oeuvres, ouvrant ou fermant ses robinets à finance afin d’obtenir que les réformes exigées soient exécutées. La stratégie du noeud coulant est prévue pour rester en vigueur et la crise sociale grecque destinée à empirer si ce qu’ils exigent est accepté.
Qui sera le plus déterminé dans les heures et les jours qui viennent ? La question doit désormais être posée autrement : qui a le plus à perdre si aucun accord n’intervient ? Les dirigeants européens se sont désormais trop avancés pour reculer, et leur nouveau dispositif de négociation chapeauté par Angela Merkel, avec François Hollande dans son ombre, impose de trouver une issue. En tout état de cause, s’il intervient comme probable, l’accord ne sera pas économiquement et financièrement réaliste, car c’est politiquement hors de portée des créanciers. Et les négociations au finish reprendront à peine ce premier round terminé, les Grecs ayant montré que la résistance payait.
P.S. : Quel point peut-on tenter de faire sur les questions en suspens les plus brûlantes dans le brouillard ambiant ?
En premier lieu qu’aucune référence n’est faite à la dette grecque, la perspective d’une remise de peine pouvant aider à faire accepter des remises en causes difficiles, comme Alexis Tsipras les a qualifiées. En second que les créanciers continuent d’exiger l’adoption de mesures d’austérité permettant de réaliser trois milliards d’euros d’économie annuelles. Enfin, que les nouveaux objectifs d’excédent budgétaires, certes réduits, continuent d’être fixés à des niveaux impliquant probablement de nouvelles mesures d’austérité.
Sur des points précis, des progrès ont été fait, mais tout n’est pas acceptable par le gouvernement grec. L’augmentation du taux de TVA touche l’électricité (le taux le plus bas de 11% ne concerne que la nourriture, les soins médicaux et l’hôtellerie), et les retraites devraient être réduites et pas seulement plafonnées. Les réformes de la législation du travail seraient abandonnées par les créanciers, mais le gouvernement grec n’augmenterait pas le salaire minimum et ne restaurerait pas les procédures contraignantes du licenciement collectif.
En parlant de chemin accompli aux trois quarts par le gouvernement grec, Yanis Varoufakis n’exagérait pas.