Billet invité.
De nouveaux arbitres de la situation émergent à propos de la Grèce, qui ne contribuent pas spécialement à clarifier une situation déjà particulièrement confuse. La plus haute Cour administrative grecque s’introduit dans le jeu et pourrait cette semaine déclarer inconstitutionnelle les coupes dans les retraites décrétées ces deux dernières années à l’initiative de la Troïka. Les besoins de financement du gouvernement seraient du même coup accrus de 1,5 à 4 milliards d’euros, suivant les estimations, et l’équation globale du pays modifiée vu sa grande fragilité financière actuelle et à venir.
Selon Reuters, trois des quatre principales agences de notation – Standard & Poor’s, Fitch et DBRS – ne baisseraient pas la note de la Grèce pour défaut si une échéance de remboursement du FMI ou de la BCE était ratée, car le défaut ne serait pas constitué s’agissant de deux créditeurs publics, Moody’s distinguant toutefois le cas de la BCE. Une telle décision ne serait pas sans conséquences sur la politique de cette dernière en matière de liquidités d’urgence et de décote du collatéral. Le programme qui maintient actuellement les banques grecques le nez hors de l’eau pourrait se poursuivre en cas de retard de remboursement, mais cette politique ouvrirait en même temps la porte à une augmentation de la décote, sur laquelle le conseil des gouverneurs doit d’ailleurs statuer cette semaine. Au final, du temps pourrait être gagné avant que l’irrémédiable intervienne, ce qui confirme bien la volonté de l’éviter.
Depuis le remaniement de l’équipe grecque, les négociateurs européens font état d’un mieux intervenu dans les discussions au sein du « Groupe de Bruxelles », un prétexte leur ayant été retiré. Tout en reconnaissant la persistance de points durs – les lignes rouges de Syriza – pour annoncer qu’il y a encore « du travail à faire » côté grec, puisqu’ils s’obstinent a qualifier de laxisme un refus déclaré. Le porte-parole d’Alexis Tsipras a pourtant une nouvelle fois réfuté l’adoption de mesures de libéralisation du marché du travail et de nouvelles coupes dans les retraites. Sans avoir dévoilé ses intentions, Jeroen Dijsselbloem va préparer le prochain Eurogroupe du 11 mai, présenté comme décisif à l’accoutumée, en rendant successivement visite à Wolfgang Schäuble, Michel Sapin et Luis de Guindos, le ministre des finances espagnol. Ce dernier affirme désormais qu’il faut « respecter les règles » mais se déclare être prêt à analyser de nouvelles propositions grecques « avec souplesse ». Alexis Tsipras a fait part de son côté de son intention de rencontrer cette semaine à les dirigeants européens à nouveau. Que peut-il en sortir ?
Yanis Varoufakis n’a pas attendu la prochaine étape prévue, l’ouverture de négociations sur la dette grecque, pour mettre à nouveau les pieds dans le plat. Un nouveau programme d’aide financière sera inutile, prévoit-il, à condition que les créditeurs du pays acceptent une « importante restructuration de dette ». Mais il anticipe le refus de principe que ses interlocuteurs vont opposer à cette perspective incontournable, pour se réfugier dans l’intransigeance qui leur tient lieu de pensée politique, afin de préserver ainsi leur unanimité de façade. L’audit de la dette sous les auspices du Parlement grec qui a commencé éclairera le débat, qu’ils ne veuillent ou non. Au passage, ne démentant pas sa réputation, Le ministre des finances grecs décrit ses pairs comme « gouvernés par la peur que la crise a provoquée, ainsi que par ses solutions dont tout le monde, au fond, sait qu’elles conduisent à de nouveaux problèmes ».