Billet invité.
Alexis Tsipras doit choisir entre sa fonction de premier ministre et ses responsabilités de leader de Syriza : voilà ce qu’on entend dans les couloirs de la commission, selon Peter Spiegel, le chef du bureau du Financial Times à Bruxelles, toujours bien informé et se faisant le relais de l’exaspération montante devant la résistance des Grecs. Selon ces mêmes commentaires, celui-ci doit laisser tomber son alliance avec le parti des Indépendants et rompre avec l’aile gauche de Syriza, afin de faire alliance avec le nouveau parti To Potami et d’adopter une approche plus « pragmatique » permettant de conclure les négociations. Les hauts fonctionnaires dont on connait la morgue vivent en vase clos, car ce scénario ne fonctionne que sur le papier.
On ne compte plus les commentaires agacés à propos de ces Grecs qui ne jouent pas le jeu et depuis le début ne se comportent pas comme tout un chacun, à commencer par leurs habitudes vestimentaires qui en disent long sur leur refus des conventions les mieux établies et qui ont pu un temps amuser. Pour ne pas parler d’une manière générale des gesticulations devant la presse d’un parvenu, un universitaire iconoclaste devenu ministre qui a malencontreusement accédé au cénacle de l’Eurogroupe où ne figurent que des gens biens, à qui il prétend de surcroît donner des leçons d’économie. Quand ces nouveaux venus, à qui on ne peut pas faire confiance pour ne pas être du même bois, vont-ils donc se décider à rentrer dans le rang ?
On mesure le fossé dont la responsabilité incomberait selon nos édiles aux dirigeants grecs, mais que l’on pourrait mieux encore attribuer à des autorités européennes compassées et coulées dans le moule. Le malheur veut que leurs petits calculs, qui ne datent pas d’hier s’agissant de To Potami, se heurtent à l’écrasant appui dont le gouvernement Syriza bénéficie dans l’opinion publique. Une question de fierté nationale, celle-ci ayant été tant bafouée ces dernières années, tandis que les spéculations sur son effritement sont à ce jour restées vaines, comme si de toute façon, s’il y a peu à gagner, il n’y a rien à perdre…
C’est à cette aune que peut être mesurée l’insistance avec laquelle les réparations allemandes dues au titre des événements de la seconde guerre mondiale continuent d’être réclamées. Tout comme la mise en place par le Parlement d’une commission d’audit de la dette, dont les travaux et le parler vrai risquent de ne pas davantage convenir à des autorités européennes éludant leurs responsabilités. Ni aux dirigeants du Pasok et de Nouvelle Démocratie, dont les députés n’ont pas voté en faveur de sa création. Celle-ci a été adoptée devant un gouvernement quasi au grand complet, premier ministre en tête, et en présence du Président de la République. Eric Toussaint, le président du CADTM, s’est vu confier l’animation et la coordination d’une équipe composée d’économistes et de juristes grecs et étrangers, parmi lesquels on trouve Cephas Lumina, ex-rapporteur spécial des Nations-Unies sur les effets de la dette et l’exercice des droits humains, Margot Salomon, directrice du centre juridique de la London School of Economics, et Maria Lucia Fattorelli, ex-membre du comité d’audit de la dette de l’Équateur et présidente de l’audit citoyen du Brésil.
« Le peuple grec a besoin de comprendre comment le pays a accepté des mesures qui ont fait augmenter la dette, passée de 124% du PIB au début de la crise à 175% aujourd’hui, et qui ont conduit à l’augmentation du chômage, aux baisses des salaires et à l’exode des jeunes diplômés », a déclaré à cette occasion Alexis Tsipras. La présidente de l’Assemblée, Zoé Konstantopoulou, avait précédemment donné à la commission la mission de déterminer « l’éventuel caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes publiques contractées par le gouvernement grec ». Celle-ci devra rendre ses premières conclusions en juin, à temps pour pimenter les négociations sur sa restructuration, dans le cas où elles seront engagées passé le cap de la fin du mois…