L’ÉCONOMIE DU NUCLÉAIRE JAPONAIS, par François Leclerc

Billet invité.

Dépourvu d’énergies fossiles, le Japon ne l’est pas d’une activité sismique intense. Mais cela n’a pas dissuadé les docteurs Folamour du Village nucléaire d’en faire un paradis de l’électronucléaire, à moins que ce ne soit un enfer. À la suite de la catastrophe de Fukushima, le redémarrage des réacteurs nucléaires du parc japonais est toujours suspendu au feu vert de la nouvelle autorité de sûreté, créée en septembre 2012 sur les décombres de la précédente. Celui-ci est un préalable à toute décision des autorités politiques locales et nationales.

Certains réacteurs sont d’ores et déjà voués au démantèlement, d’autres doivent subir d’importants travaux pour ne pas connaitre le même sort, d’autres enfin attendent encore le verdict. Les risques géologiques potentiels des sites sur lesquels ils ont été construits sont un critère important, renvoyant à la légèreté des décisions d’autorisation précédemment prises, qui sont réexaminées. À chaque fois, une même question est posée : une faille à proximité de la centrale est-elle ou non active ? Rétrospectivement, cela n’est pas spécialement rassurant. Des batailles d’experts s’en suivent, qui témoignent de la difficulté à trancher, si ce n’est de la complaisance présumée de ceux qui épousent la thèse des opérateurs des centrales. Mais le doute devrait naturellement prévaloir, et la nouvelle autorité de sûreté a sa réputation à défendre. Cela demande à être confirmé.

Toute l’économie de l’électronucléaire japonais est remise en question, et l’équivalent de la Cour des comptes au Japon y contribue. Elle a évalué à l’équivalent de 70 milliards d’euros les sommes qui vont être au total avancées par l’État à Tepco, l’opérateur de Fukushima, afin qu’il indemnise les victimes de la catastrophe. Le même organisme indépendant du gouvernement a également calculé que jusqu’à une trentaine d’années seraient nécessaires pour les récupérer en vendant les actions de Tepco, dont l’État est devenu propriétaire tout en renonçant à intervenir dans sa gestion. Mais cette prévision à long terme rassurante ne se vérifiera que si le cours boursier de l’opérateur nucléaire recouvre ses couleurs, ce qui n’est pas gagné… Entachés de beaucoup d’incertitudes, ces calculs éludent en réalité l’accroissement prévisible d’un déficit public qui ne parvient déjà pas à être résorbé.