SYRIZA NE DOIT PAS POUVOIR TENIR SES PROMESSES, par François Leclerc

Billet invité.

Les deux portes que le gouvernement grec, aux abois, espérait pouvoir ouvrir afin de se financer sont restées fermées. Jeudi, la BCE s’est refusée à déplafonner le montant des bons du Trésor à court terme qu’il peut émettre, et vendredi le document décrivant en six points les mesures qui vont être prises dans l’immédiat a été retoqué au prétexte de son imprécision. Celui-ci avait vocation, sur proposition de Jeroen Dijsselbloem, à déclencher sans attendre le versement d’une partie des fonds attendus pour la fin avril au titre du deuxième plan de sauvetage.

De quoi s’agit-il ? Un projet de loi sur la crise humanitaire est déjà en examen au parlement, et d’autres mesures vont suivre. Elles concernent pour l’essentiel les arriérés de dettes à l’Etat et à la sécurité sociale, ainsi que la mise en place d’un Conseil fiscal indépendant et d’un nouveau corps de contrôleurs fiscaux. Toutes mesures destinées à favoriser les rentrées budgétaires. D’autres engagements de campagne sont remis à plus tard, faute de moyens financiers ou pour ne pas grever le budget, comme le relèvement du plafond de non-opposition ou une refonte de l’impôt sur la propriété immobilière. La question des privatisations reste en débat et l’augmentation progressive du salaire minimum est reportée.


Dans ce contexte à nouveau très tendu, Alexis Tsipras craint de « revenir au thriller d’avant le 20 février », selon la formule employée dans un entretien à Der Spiegel. Afin de tenter de dénouer cette nouvelle crise, il est reparti pour une nouvelle offensive diplomatique auprès de l’OCDE et de Jean-Claude Juncker la semaine prochaine, tandis que Yanis Varoufakis multiplie les contacts téléphoniques avec ses homologues en vue de la réunion de l’Eurogroupe de lundi. Le silence des gouvernements italien et français est pour sa part assourdissant. Comme l’équipe de Syriza l’avait dès le départ annoncé, les pressions ne vont pas cesser, que ce soit dans l’immédiat, à l’occasion du rendez-vous annoncé de fin avril, ou quand démarrera la négociation sur un 3ème plan d’aide financière sans lequel la Grèce fera défaut.

L’ouverture de celle-ci est pour l’instant repoussée, mais Luis de Guindos, le ministre espagnol qui mène campagne pour succéder à Jeroen Dijsselbloem, a déjà avancé des montants – 30 à 50 milliards d’euros – alors que ce dernier nie toute discussion à ce propos. Mais le chiffrage dépendra du traitement qui sera réservé à la dette grecque, et la discussion promet d’être à nouveau très difficile. Klaus Regling, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité financière (MESF), s’est aussi emparé du sujet sans attendre, à l’occasion d’un entretien à Handelsblatt. Réaffirmant sans surprise l’opposition des dirigeants européens à tout effacement de dette, il en a donné les raisons : « d’abord une décote nominale n’est pas nécessaire, et deuxièmement elle n’est pas faisable politiquement ». On lui laissera la responsabilité de sa première assertion et l’on retiendra la seconde, nettement plus crédible.

Il a été décidé de laisser le gouvernement grec juste le nez hors de l’eau, et son asphyxie financière en est le moyen. Comme l’a clairement expliqué Jean-Claude Juncker dans une interview à El Pais, une démonstration doit être faite : « Tsipras a franchi une étape décisive. Il a commencé à assumer ses responsabilités, mais il est confronté à un problème: il doit encore expliquer que certaines des promesses qui lui ont permis de remporter les élections, ne seront pas tenues. »

Elargissant son propos à Podemos, dont il est craint qu’il suive l’exemple donné par Syriza, il a poursuivi : « Ce nouveau type de parti analyse souvent la situation de manière réaliste. Ceux-ci identifient avec acuité les immenses défis sociaux auxquels nous sommes confrontés. Mais, une fois élus, ils se révèlent incapables de tenir leurs promesses, de transformer leur programme en réalité. Les propositions de certains de ces partis, ne sont pas compatibles avec les règles européennes, elles nous mèneraient à une situation de blocage total. » A moins de changer les « règles européennes », bien entendu…

Le gouvernement grec n’est pas décidé à se renier. Dans la même interview à Der Spiegel, Alexis Tsipras insiste sur le fait que la BCE a le pouvoir « d’étrangler la Grèce », ce dont Mario Draghi s’est défendu lors de sa conférence de presse de jeudi dernier en prétendant que « la dernière chose que l’on puisse dire, c’est que la BCE ne soutient pas la Grèce », montrant que le point est sensible. Mais les faits sont là. Faute de financement, la Grèce fera défaut d’ici à la fin du mois, chiche ?