Billet invité.
Le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurria et la directrice générale du FMI Christine Lagarde avaient chacun de leur côté préparé hier le terrain d’un accord, mais cela n’a pas empêché la réunion de l’Eurogroupe d’achopper dans la nuit sur un point dur préliminaire.
Le gouvernement grec se refuse à toute formule basée sur une extension du plan de sauvetage, qui se termine à la fin du mois, et réclame un nouveau programme, tandis que Wolfgang Schäuble campe sur ses positions : « Nous avons ce programme, soit il est mené jusqu’au bout, soit il n’y a plus de programme ». Les points de vue sont irréconciliables à ce stade : depuis la tribune du parlement grec, Alexis Tsirpas avait la veille lancé « nous ne négocions pas le plan de sauvetage, il a cessé d’être en raison de son insuccès », l’échec était prévisible.
Une réunion s’était tenue à Bruxelles avant la réunion de l’Eurogroupe, à laquelle participait Christine Lagarde, Jeroen Dijsselbloem et des hauts fonctionnaires bruxellois, afin de mettre au point le contenu de ce que pourrait être un « accord-relais », selon les termes employé par des sources grecques. Au sortir de cette rencontre, Christine Lagarde déclarait à propos de l’équipe grecque : « ils sont compétents, intelligents, ils ont conscience de leurs problèmes. Nous commençons à travailler ensemble et c’est un processus qui va prendre un certain temps ». Restait à régler le point litigieux…
Dans l’après-midi, Angel Gurria et Alexis Tsipras avaient depuis Athènes trouvé un accord afin de mettre en place une « mission de coopération » chargée de bâtir un plan de réformes. Tandis que le premier la présentait sobrement comme « allant porter sur les secteurs de l’imposition et de la compétitivité », tout en évoquant « la justice sociale et la lutte contre la corruption », le second faisait valoir que « cette coopération va se faire non sur la base de ce qui avait été décidé auparavant, mais sur celle du mandat populaire ». Une même coopération avait été convenue avec le gouvernement grec précédent, mais sur d’autres bases, Angel Gurria paraissant acquiescer aux critiques du plan de sauvetage d’Alexis Tsipras, en raison de ses conséquences sur le chômage, le développement des inégalités et la croissance, des thèmes que l’OCDE emprunte désormais lorsqu’elle analyse la situation de ses pays membres.
On avait appris dans la journée l’invitation à Pékin du premier ministre grec, faisant suite à celle qu’il a reçue de se rendre à Moscou. Dans le contexte ukrainien actuel, la crise grecque cesse d’être purement européenne pour s’inscrire dans le cadre de plus larges enjeux. Au cas où la Grèce en viendrait à sortir de l’euro, un « plan B » prend corps – en tout cas sous la plume des commentateurs – qui trouverait ici et là des appuis. Dans cette perspective, on attend ceux que pourraient directement apporter le gouvernement américain, soucieux de ne pas laisser la Grèce changer d’orbite. Cela représenterait un véritable pied de nez de l’histoire, dans un pays marqué par un fort anti-américanisme et où le FMI est honni.
Les dizaines de milliers de manifestants d’Athènes et de Thessalonique qui sont hier soir descendus dans la rue pour soutenir leur gouvernement – une grande première – se sont contentés de réclamer « un souffle de dignité », comme le proposait l’appel sur les réseaux sociaux auquel ils ont massivement répondu. Selon les sondages, une majorité de 70 % des Grecs souhaitent à la fois « tourner le dos à l’austérité » et « trouver un accord avec la zone euro ». Les délais pour y parvenir se réduisent, mais c’est le plus souvent le nez sur l’obstacle que les accords les plus improbables se concluent… Jeroen Dijsselbloem avait déclaré avant la réunion de l’Eurogroupe qu’il préside « nous allons écouter ce que les Grecs ont à dire et voir comment nous pouvons continuer à les soutenir. Il y a officiellement toujours un programme d’aide en cours, donc la première question à se poser est quelle est la suite ? ». Elle n’a pas été trouvée, sans que cela soit une surprise.