ON ENTRE DANS LE VIF DU CŒUR DU SUJET, par François Leclerc

Billet invité.

En prenant l’initiative à toute allure, l’équipe gouvernementale grecque est parvenue à susciter un rapport de force en sa faveur, mais elle n’est encore qu’au milieu du gué. Le plus dur reste à venir avec deux interlocuteurs de poids : Mario Draghi et Wolfgang Schäuble. Car François Hollande pourra aujourd’hui prononcer de bonnes paroles, comme Matteo Renzi hier, mais cela ne suffit pas. Il faudrait peser avec détermination pour profiter de l’occasion. Or, chacun doit faire ses petits calculs à défaut d’avoir de grandes visions : « que puis-je obtenir, et quelle est la meilleure attitude pour y parvenir ? ».

La BCE dispose du moyen de briser l’élan qui a été créé en refusant de déplafonner le montant des aides d’urgence aux banques, comme demandé par Yanis Varoufakis. De son côté, la Commission ne semble pas prête à devancer le démantèlement de la Troïka, avec laquelle un « accord technique » va être suggéré au ministre des finances grec, ne serait-ce que pour ne pas apparaître lui céder. Au terme du périple de la semaine, une réunion de l’Eurogroupe fera le point mercredi prochain.

Afin de peser sur le rapport de force, d’autres moyens d’asphyxier financièrement le gouvernement grec sournoisement existent. Par exemple, les profits réalisés par les banques centrales nationales sur les titres grecs qu’elles détiennent représentent 1,9 milliards d’euros mais n’ont toujours pas été versés malgré un ancien accord de principe.

Les réactions allemandes au plan grec dans les médias sont sans surprise négatives, le considérant comme une tentative de biaiser. Angela Merkel et Wolfgang Schäuble gardent encore le silence, avec comme intention de vouloir faire revenir le gouvernement grec sur leur terrain, qu’ils n’ont pas l’intention d’abandonner. En vue de monnayer une nouvelle aide financière destinée à faire rouler la dette grecque, tout en maintenant la pression en l’assortissant de conditions qui pourraient être seulement allégées. Le gouvernement grec serait ainsi contraint de passer de l’offensive à la défensive et tout rentrerait dans l’ordre, tout du moins provisoirement car rien ne serait réglé.

Au sortir de son rendez-vous romain avec Pier Carlo Padoan, son homologue italien, Yanis Voufakis a choisi Il Messaggero pour préciser qu’il mettrait « ses idées sur la table » lors de la réunion de l’Eurogroupe de mercredi prochain, mais que « six semaines au maximum » seraient nécessaires pour mettre au point ses « propositions alternatives à l’austérité » afin de résoudre « la crise humanitaire ». En terme de calendrier également, il a fixé au 1er juin prochain l’échéance d’un accord global avec la BCE, le FMI et les pays de la zone euro. Mais il n’est pas certain que ce délai lui soit accordé. Abandonner au profit du mécanisme qu’il a proposé la revendication d’un abandon de créances ne suffit pas aux yeux des gardiens du Temple.

Daleep Singh, vice-secrétaire au Trésor américain pour l’Europe se rendra « dans les prochaines semaines » à Athènes, a-t-il été annoncé à Washington, témoignant de l’intention de l’administration Obama de peser dans les débats à venir.