Billet invité.
L’enjeu des élections grecques est européen, qui peut en douter à lire les déclarations venant d’Allemagne ? Ou bien à entendre François Hollande réclamer que le futur gouvernement grec respecte les engagements du précédent, soutenant la position de la chancelière Angela Merkel en prélude à une énième rencontre dimanche prochain, laissant seuls à protester ses partenaires gouvernementaux sociaux-démocrates ?
Une démonstration doit être faite. Non pas celle de l’efficacité de la stratégie de désendettement qui a été imposée à la Grèce, et généralisée à toute l’Europe, mais par défaut celle de l’impossibilité de la remettre en question. C’est pourquoi une fin de non-recevoir est opposée dès maintenant à toute prétention d’ouvrir demain des négociations à son sujet. De multiples consultations électorales vont se dérouler cette année, et il convient de porter dès la première d’entre elles un coup d’arrêt à toute velléité de changement, afin que le parti de la peur et de la résignation l’emporte.
Les partisans de cette épreuve de force savent que les Grecs ne commenceront à payer les intérêts de leur dette octroyée dans le cadre des plans de sauvetage que dans huit ans, et ils veulent croire que ce qui est illusoire aujourd’hui ne le sera plus demain. Comme des banquiers, ils savent qu’au pire ils pourront toujours faire rouler la dette grecque, afin de ne pas avoir à reconnaître qu’elle n’est pas soutenable, parce que la Grèce n’est pas solvable à l’échelle d’endettement qui a été atteint. Ils veulent aussi ignorer que la déflation dans laquelle l’Europe se prépare à entrer va accroître le coût du remboursement de cette dette, le rendant encore plus improbable. Dans l’immédiat, l’essentiel est que la Grèce ne recommence pas à s’endetter et que de nouvelles mesures d’austérité soient prises, qu’Antonis Samaras a dans un premier temps repoussé pour garder une chance de remporter les élections.
Mais, se disent-ils, ils auront encore gagné du temps, et qu’importent les conséquences sociales de la politique. Qu’importe que le taux d’emploi (et non plus de chômage, trop peu significatif) reste en Europe très élevé, en particulier pour les jeunes, pourtant objets d’attentions particulières lorsqu’il est fait appel à la solidarité générationnelle pour couper les retraites. Ni l’emploi, ni les inégalités ne sont un critère de la science économique depuis qu’elle n’est plus politique. Retrouver la croissance est une fin en soi, pour que tout redevienne comme avant : on ne peut pas attendre davantage des conservateurs.
Il est cependant fort improbable que l’intervention tant attendue de la BCE permette de renouer avec la croissance, telle une chimère qui se dégonfle avant même de prendre corps. Le ton des commentaires est donné, doutant par avance des effets d’un programme d’achats de titres obligataires sur la relance, n’y voyant qu’une nouvelle prime accordée aux investisseurs dans la dette publique. Même si la BCE calibre a minima comme il est probable ces nouvelles mesures – contribuant à réduire ses effets – la voie sera ouverte : la banque centrale aura entrepris des achats de dette publique et pourra toujours y revenir. Solution cette fois-ci naturelle pour un banquier, elle pourra aussi ensuite faire rouler cette dette, dans l’attente du miracle qui permettra qu’elle soit remboursée, dans le cadre durable d’une politique d’austérité et de protection sociale retaillée.
Après le numéro des ombres chinoises, celui des magiciens s’imposera.