Billet invité
Chacun y va de ses espoirs, de ses encouragements ou de son analyse, mais l’avenir proche de la Grèce est avant toute chose marqué par une grande incertitude, probablement durable, que partagent aussi bien les dirigeants de Syriza que ceux des autres pays européens.
Celle-ci porte d’abord sur le résultat des élections législatives, qui devraient sauf contre-ordre avoir lieu le 25 janvier prochain, étant établi que la campagne électorale sera placée sous la menace du chaos. Même si Syriza empochait la prime du vainqueur, il n’est en effet pas certain que le parti bénéficierait d’une majorité parlementaire, et les alliances qu’il devrait rechercher restent floues, faute de pouvoir anticiper les résultats des partenaires éventuels, tout comme la solidité de la coalition qu’il devrait mettre sur pied pour gouverner.
Les spéculations ne manquent pas sur la nécessité dans laquelle Syriza va se trouver de composer, ayant déjà annoncé qu’il chercherait à négocier la restructuration de la dette grecque, le point le plus dur, et non pas de créer des faits accomplis. Mais pour y parvenir il faut être deux, et aucun signe n’a pour l’instant été donné que les principaux détenteurs de la dette grecque – les protagonistes des plans de sauvetage réunis dans la Troïka, qui sont juge et partie – s’y sont résolus, même sous la forme la plus vénielle d’un étalement des remboursements et d’une diminution des taux. Les efforts donnent l’impression d’être unilatéraux.
La seule position rendue publique, celle du FMI, affiche la dureté en annonçant la suspension de tout versement, mais cela avait déjà été décidé dans les faits, et il semble que le prochain gouvernement pourrait en tout état de cause durer jusqu’à juin 2015 sans nouvelle aide financière. La balle est dans le camp des dirigeants européens. À défaut de marges de manœuvre importantes, ce calendrier pourrait leur donner un peu de temps pour voir venir, si Syriza l’emportait. Mais l’incertitude risquerait de donner des idées aux suivants inscrits sur la liste des consultations électorales à venir, les Portugais et les Espagnols.
Dans cette crainte, les dirigeants européens ne voudront pas créer de précédent, ce qui ne leur donnera pas davantage de prise sur la situation grecque, à voir l’influence de leurs pressions sur le résultat des élections présidentielles ! À défaut de changer de politique, ils n’ont qu’une seule ligne de conduite et tentent de masquer le fiasco de celle qu’ils ont imposée. En Grèce, ils se réfugient derrière le fragile excédent primaire dégagé par la Grèce au prix d’une crise sociale dont l’ampleur semblait révolue en Europe, et qu’ils ont créée.
Dans un éditorial de fin d’année, le Financial Times réclame plus de marge de manœuvre pour les politiques nationales, au nom de la démocratie et de la solidarité européenne, afin de ne pas rester suspendu aux prochaines décisions de la BCE. Cela a tout l’air d’une bonne résolution de circonstance, qui ne sera pas suivie d’effet. Ceux qui ne se résolvent pas à réclamer un changement clair de politique et en énoncent les grands principes laissent le dernier mot aux responsables de l’état catastrophique dans lequel se trouve désormais l’Europe, qui pourrait bien représenter son ultime promesse. Ils en partagent la responsabilité.
La Grèce risque d’être à nouveau le laboratoire d’expériences conduisant au pire, sous l’égide d’apprentis sorciers qui n’en démordent pas pour ne pas être déjugés, animés par leur ralliement à la pensée libérale dogmatique, ce camouflage de leurs intérêts bien conçus. Syriza ne doit pas rester seul dans son combat, les formes doivent être trouvées.