NOS ÉDILES PRIS À LEUR PROPRE PIÈGE, par François Leclerc

Billet invité.

Ils se sont précipités pour réagir à la convocation des élections législatives, et on se demande bien pourquoi si ce n’est pour mieux souligner leur inquiétude. Sans attendre, Matteo Renzi a nié toute possibilité de contagion à l’Italie, coiffant au poteau le commissaire européen socialiste Pierre Moscovici qui n’a pas hésité à appeler les électeurs grecs à soutenir les réformes « favorables à la croissance », dans un bel effort de distorsion des enjeux. Puis le FMI a donné les grandes orgues, en annonçant la suspension de son aide jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement, et Wolfgang Schäuble a réitéré son injonction à ce que la Grèce poursuive les réformes engagées, on ne pouvait moins attendre.

En chutant, la bourse grecque a traditionnellement manifesté la crainte des milieux d’affaires, la hausse d’un point du taux obligataire grec n’ayant pas la même portée, vu que le gouvernement grec est de toute manière coupé des marchés financiers, vu également le faible volume des échanges sur le marché secondaire. Mais le calendrier qui se présente désormais recèle d’autres dangers : c’est à la fin février au plus tard qu’un accord devra être trouvé avec la Troïka afin de débloquer le dernier versement de 7,2 milliards d’euros de l’aide accordée, et les autorités européennes comptent sur cette échéance pour influencer les électeurs lors des élections du 25 janvier prochain, si la date est retenue, ou par défaut amener un gouvernement Syriza issu de celles-ci à résipiscence. Ce qui explique dans les deux cas son choix par Antonis Samaras.

Un accord permettant de débloquer ces fonds, qui n’a pu être trouvé avec l’équipe au pouvoir actuelle, pourrait-il l’être demain avec un gouvernement emmené par Syriza ? L’hypothèse est tout aussi ardue que ne l’a été le calcul du premier ministre actuel, qui a été pris a contre-pied quand il n’a pas obtenu la récompense pour bonne conduite qu’il réclamait, sous la forme de la restructuration de dette qui lui avait été promise par les dirigeants européens, qui ont – comme on disait avant que la fée électricité n’arrive dans les foyers – la souplesse d’un verre de lampe.

Un compromis est-il encore possible avec eux ? Tout sera une question de rapport de force et dépendra de l’ampleur de la victoire de Syriza, si elle se concrétise. Raison pour laquelle on peut s’attendre à l’exercice d’un chantage poussé à son maximum sur les électeurs grecs. Mais si un argument ne peut plus être utilisé, c’est celui de la sanction du marché, car il n’est en tout état de cause pas concevable que la Grèce puisse s’y représenter pour négocier des titres autres qu’à courte échéance. Raison pour laquelle il était question de lignes de crédits de précaution accompagnant la fin du plan de sauvetage.

Un compromis peut-il être trouvé à propos d’une restructuration de dette qui peut prendre bien des formes, sans procéder par une décote franche, mais en favorisant un report des échéances et une diminution des taux ? Pour en arriver là, il faudrait que les dirigeants européens privilégient la recherche d’un compromis et ne soient pas divisés à ce sujet, qu’ils préfèrent négocier plutôt que de prendre le risque d’une sortie de la Grèce de la zone euro, stimulant ceux qui dans leurs pays prônent une telle solution, et pouvant même remettre en cause l’accalmie du marché obligataire obtenue par la BCE, l’obligeant à passer à l’acte pour à nouveau le stabiliser. En d’autres termes, il faudrait qu’ils fassent preuve du sens politique qui leur a toujours manqué en acceptant de faire la part du feu !

Quel serait a contrario l’écho d’une victoire électorale de Syriza ? Les prochaines échéances législatives espagnoles et portugaises peuvent faire craindre un effet sur leur résultat dans ces deux pays qui ont comme la Grèce particulièrement souffert des effets de l’austérité. Dans toute l’Europe, un tel succès pourrait aussi représenter un espoir de changement dans une situation où il n’en était plus question, accentuant la résistance sociale et contribuant à brouiller le jeu politique de l’alternance entre partis de gouvernement, et en dernière instance celui de leur coalition. Sans attendre, le leader de Podemos Pablo Iglesias encourage Syriza.

Ce n’est pas tout de jouer avec les foudres du marché, il va falloir aussi le rassurer. Dans un contexte qui s’annonce très tendu, les décisions de la BCE vont être particulièrement attendues le 22 janvier prochain, date de la prochaine réunion de son Conseil des gouverneurs.