Billet invité.
Dans quel très mauvais pas les autorités européennes se sont-elles encore fourvoyées en Grèce ? Si jamais Syriza devait remporter des élections législatives dont la convocation apparait de plus en plus inévitable, elles seraient placées devant un choix qu’elles voulaient reculer au plus tard possible : soit restructurer la dette grecque, soit subir un défaut sur celle-ci. Car si une chose n’est pas contestable, sauf pour ceux que cela n’arrange pas de le reconnaître, c’est que la dette grecque n’est pas soutenable.
La partie ne fait que commencer et s’annonce mouvementée. Le second tour de l’élection du candidat à la présidence de la République d’Antonis Samaras ne lui a pas été plus favorable que le premier, et le score atteint lui laisse peu d’espoir pour le troisième et dernier tour, le 29 décembre. Mais cela ne garantit pas en soi la victoire de Syriza aux élections législatives, qui devront alors être convoquées, et pas davantage que celui-ci disposera d’une majorité parlementaire à lui seul.
Si les Grecs rentrent en campagne électorale, la stratégie de la tension et le vieux chantage « moi ou le chaos » ont de belles semaines devant elles. Après s’être tant impliquées en faveur d’Antonis Samaras, les autorités européennes n’auront en ce qui les concerne pas d’autre choix que de poursuivre dans la même veine. Mais si l’irréparable survient malgré tout, comment refuser une négociation sur la dette, dont Syriza a fait le pivot de ses propositions ?
Menacer de stopper l’aide à la liquidité d’urgence (ELA) de la BCE aux banques hellènes, tout comme l’arrêt du financement de l’État grec, risquera d’aboutir à la sortie de la Grèce de l’euro, puis à un défaut sur sa dette dans les pires des conditions, la Grèce ayant moins que jamais accès aux marchés financiers sauf à court terme, et le retour à une drachme dévaluée renchérissant son remboursement en euro. Alternativement, entamer une négociation sera mettre le doigt dans un engrenage fatidique, une restructuration pouvant en cacher une autre. Mais, dans les deux cas, l’essentiel de la dette étant devenue publique, il faudra aussi assumer les conséquences politiques des pertes qui en résulteront. Chassée par la porte de devant, la mutualisation de la dette reviendra par derrière, sous la forme de pertes à se partager.
Comment l’éviter ? En faisant durer le plus possible l’ouverture de négociations faute de mieux ? En comptant sur de nouvelles élections remettant en selle Nouvelle Démocratie et ce qui reste de ses alliés, Syriza n’ayant pas les moyens d’adoucir l’austérité et ne pouvant faire la démonstration de sa politique ? Il ne restera plus en effet de disponible qu’une stratégie du pourrissement, hasardeuse dans le contexte des élections espagnole et portugaise. S’y hasarder sera jouer avec le feu et alimenter ce populisme tant décrié en favorisant les courants centrifuges dans toute l’Union européenne. La BCE pourra toujours dire qu’elle fera « tout ce qu’il faudra » pour y remédier !
Encore une réussite à porter à leur actif.