Billet invité.
Comment enrayer la dégringolade du rouble, qui a perdu la moitié de sa valeur par rapport au dollar et 45% face à l’euro depuis le début du mois ? Dans la nuit, la Banque de Russie a augmenté son taux de 10,5% à 17%, dans l’espoir de stopper une énorme hémorragie de capitaux, n’ayant d’autre ressource que d’abandonner des interventions quasi-quotidiennes de soutien du rouble qui épuisaient ses réserves de change sans résultat.
Les effets des mesures de rétorsion occidentales à l’intervention en Ukraine et la chute du prix du pétrole, qui assure avec le gaz la majorité des revenus budgétaires de la Russie, forment la toile de fond d’une crise qui se manifeste également par une énorme hémorragie de capitaux. Elle était de 60 milliards de dollars en 2013 mais s’est accélérée et devrait atteindre 218 milliards cette année et va se poursuivre l’année prochaine, selon la Banque de Russie. Celle-ci prévoit une chute du PIB oscillant entre 4,5 à 4,8% en 2015.
Vladimir Poutine a déjà promis l’impunité à tous ceux qui rapatrieraient leurs capitaux, dans une vaine tentative d’enrayer une fuite destinée à les protéger de la chute du rouble qu’en retour elle alimente. Les commentateurs ne manquent pas de mettre en garde contre l’adoption de toute mesure de contrôle des capitaux, en raison des réactions prévisibles du marché. Mais leur rappel à l’ordre et à l’orthodoxie feint d’ignorer que la Russie est de toute façon déjà coupée de ceux-ci, tout du moins dans un sens ! A suivre…
Donnant une image de la libre circulation des capitaux ainsi qu’une illustration de la déconnexion de la théorie par rapport à la pratique, un rapport de Global Financial Integrity, une ONG basée à Washington, a recensé les montants de la fuite illicite des capitaux des pays émergents et en développement. En 2012, elle aurait presque atteint 1.000 milliards de dollars, dépassant le montant cumulé des investissements étrangers directs et de l’aide au développement, et elle ne fait que s’accélérer d’année en année. Au palmarès, la Chine figure au premier rang par ordre d’importance, suivie par la Russie et le Mexique. On ignore la proportion de cette masse de capitaux ayant rejoint les paradis fiscaux, qui jouent décidément un rôle fonctionnel et dont l’orthodoxie financière s’accommode bien.
Autre fait notable, Shinzo Abe, le premier ministre japonais, n’a pas hésité à transgresser cette même orthodoxie, mais sur un autre terrain, en profitant de la victoire électorale de son parti. N’obtenant pas les résultats escomptés dans l’application de sa politique économique, il a demandé que « les entreprises qui engrangent des bénéfices grâce à la baisse du yen non seulement investissent et augmentent les salaires, mais aussi payent davantage leurs sous-traitants ». La stagnation ou la baisse des salaires sont reconnues par ses soins comme faisant obstacle à la sortie de la récession et de la déflation, une fois tout essayé. Mais le Japon, c’est loin…