Billet invité.
Hier, la croissance des États-Unis donnait le ton, relayée par celle des pays émergents, source d’un émerveillement qui s’est depuis calmé. En ces temps de crise européenne cessant d’être celle de sa périphérie pour devenir celle de son centre, la croissance de l’Allemagne était présentée comme justifiant un modèle à reproduire avant, à son tour, de ne plus être ce qu’elle était. Le monde n’est pas globalement entré en récession, mais il lui est désormais prédit une longue période de faible croissance et de stagnation : l’heure n’est plus à la mondialisation triomphante, l’exportation n’est plus le moteur performant de la croissance. Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, a reconnu lors de sa réunion de Washington de la semaine passée « un incontestable changement du paysage ». Certes, cela pourrait être pire, mais n’est-ce pas une faible consolation ? Dans quel état le système peut-il survivre s’il est condamné à une croissance qualifiée désormais par Christine Lagarde de « médiocre » ? Par comparaison, les fonds de pension américain ont besoin d’un rendement qu’ils ne trouvent plus et vont le chercher – risque compris – du côté des hedge funds, que tous ne parviennent même pas à trouver.
Après analyse, Capital Economics met en évidence que la production industrielle ainsi que la consommation interne des dix-neuf plus importants pays émergents sont retombés à leur niveau de 2009, et que leurs exportations plongent ; la tendance au déclin de la croissance est une tendance y exprimant « la nouvelle normalité », nous est-il expliqué. En passe de devenir dans les mois qui viennent la première puissance économique mondiale, la Chine voit sa croissance continuer à décroître et pourrait descendre sans tarder sous le seuil de 7%. Celle du Brésil atteindra au mieux 0,3% cette année, exprimant l’affaiblissement de la dynamique des relations commerciales sud-sud, l’un des éléments favorisant désormais cette spirale descendante.
Comment ne pas voir un symbole fort dans la tenue simultanée à Washington – et du rassemblement en conséquences des ministres des finances, banquiers centraux et banquiers tout court – des assemblées générales du FMI, de la Banque mondiale et de l’Institute of International Finance (IIF) ? Ce qui n’a pas été très productif, le G20 finances ressortant faute de mieux les vieilles recettes, associant dorénavant l’investissement et les grands travaux aux réformes structurelles, car il y a urgence. L’imagination n’est pas au rendez-vous et le résultat risque fort de ne pas l’être non plus. Car les édiles sont toujours convaincus que « le vrai défi », ce sont ces réformes dont ils ont fait leur refrain, le seul moyen de libérer une croissance emprisonnée dans des carcans, l’investissement n’étant qu’un pis-aller décrété dans l’urgence. En conséquence, les dirigeants politiques ont à Washington été sommés de faire leur job et témoigner de leur « courage », n’étant après tout que les victimes relatives indirectes des mesures à prendre, dont il est pour une fois reconnu avec clairvoyance qu’elles vont être « douloureuses ».
Sans doute ce discours pourrait-il être pris au mot, car peut-on être en soi contre des réformes structurelles ? Au contraire, tout dépend desquelles ! La crise qui se poursuit a mis à nu les dysfonctionnements du système financier et elle en fait autant de nombreux rouages d’une société qu’il a façonné, et qui sont à des degrés divers grippés ou de toute façon condamnés. C’est l’occasion ou jamais pour favoriser l’affirmation de rencontres d’un troisième type ! Il est déjà pressenti, quand il n’est pas reconnu, que des contraintes environnementales et résultant de la rareté des ressources – auxquelles on ne peut échapper – vont imposer des changements radicaux. Notamment sous l’impact négatif de l’activité humaine ou bien en raison des progrès de la connaissance et des innovations technologiques. La raréfaction du travail résulte de ces dernières, imposant une reconsidération d’ampleur qui ne pourra comme d’autres être contournée. Mais les réponses qui vont y être apportées – reculer le moment de les formuler en étant déjà une – divergent du tout au tout, selon que l’on continue de s’inscrire dans le cadre actuel sans autre horizon ou que l’on cherche au contraire à s’en évader. Ne serait-ce pas cela, la libération ?