Espirito Santo : LE SAUVETAGE ÉTAIT PRESQUE PARFAIT, par François Leclerc

Billet invité.

Le gouvernement portugais pourra-t-il maintenir la fiction d’un sauvetage de la BES ne faisant pas appel à des fonds publics et ne trahissant pas trop ouvertement la directive communautaire qui préfigure la réglementation de l’Union bancaire ? Rien n’est moins certain, à considérer ses discrets ajustements des périmètres respectifs de la BES et Novo Banco – la mauvaise et la bonne banque – les incertitudes qui pèsent sur la valorisation de cette dernière et les aléas de sa vente future.

À ce dernier égard, les interrogations s’accumulent. Novo Banco sera-t-elle remboursée de sa créance de 700 millions d’euros sur l’actionnaire de la BES, Espirito Santo Financial Group (ESFG), depuis que la garantie que représentait Tranquilidade a été annulée ? Car cela a été indispensable afin de vendre la compagnie d’assurances Tranquilidade, filiale de ESFG, au fonds de capital-risque américain Apollo Global Market. On a incidemment appris à cette occasion que Tranquilidade avait été ponctionnée in extremis par le groupe Espirito Santo de 15 millions d’euros au titre du versement de dividendes… La vente des bijoux de famille réserve quelques surprises.

Les déposants ayant fui dans la précipitation de BES pour des montants de plusieurs centaines de millions d’euros, de quel matelas de dépôt Novo Banco, qui les a récupérés, dispose-t-elle encore ? Autre question, il avait déjà été enregistré que Novo Banco a passé à son bilan une provision pour créance douteuse de 3,3 milliards d’euros pour une dette détenue pas sa filiale angolaise BESA, désormais dépourvue de la garantie de l’État angolais. Mais la BESA est désormais sous administration provisoire de la Banque d’Angola, 5,7 milliards de dollars de créances douteuse ayant été au total décelées dans ses comptes, et celle-ci ne se presse pas pour faire connaître les dispositions qu’elle envisage de prendre.

Non sans atermoiements, Novo Banco s’est également engagée à rembourser les clients individuels de la BES qui avaient acheté du papier commercial (dette à court terme) de différentes entités du groupe Espirito Santo, pour environ un milliard d’euros, mais elle n’a précisé à ce jour ni sa forme ni le calendrier. Enfin, Novo Banco est placée devant un choix difficile : soit restructurer les crédits accordés à de nombreuses entreprises qui ne peuvent les rembourser, pour un nombre et un montant non précisés, soit les condamner au dépôt de bilan. Mais peut-elle rouler leur dette et en assumer le risque, sachant que toute augmentation de capital est exclue ?

D’autres zones d’ombre semblent également subsister, en particulier relativement à la dette senior de la BES : les créanciers détenteurs de celle-ci – dont la BCE – ont-ils tous été protégés en les faisant migrer vers Novo Banco ? Les grands ordonnateurs du sauvetage sont placés devant un autre choix délicat, car certaines de ces créances pourraient aider à éponger le passif de la BES (et soulager le bilan de Novo Banco), mais cela alourdirait d’autant les pertes de ces créanciers.

Le trait de l’addition n’est toujours pas tiré, avant de valoriser par la suite Novo Banco. S’enclenchera ensuite le processus de sa vente, qui ne va pas se réaliser dans les meilleures conditions. Le risque est qu’elle intervienne pour un montant inférieur à sa capitalisation de 4,5 milliards d’euros, dont 3,9 de fonds publics, ou bien même qu’elle ne se fasse pas ! Le gouvernement portugais, ainsi que la Commission et la BCE, se retrouveraient avec une banque nationalisée de facto sur les bras, qui ferait mal dans le paysage. À moins que cette situation ne soit l’occasion d’une fusion de Novo Banco avec un autre banque portugaise. Mais par la grâce de quel nouveau montage financier tortueux pourra-t-il être évité d’afficher des pertes supportées sur fonds publics ?

Sous ces auspices alambiqués, l’Union bancaire s’engage mal.