Billet invité.
Ravi de ce qu’il présente comme un heureux dénouement protégeant les contribuables et les déposants de la banque BES, le gouvernement portugais voudrait bien vite revenir à ses affaires courantes : l’adoption de nouvelles mesures d’austérité. Les autorités bruxelloises ont de leur côté donné officiellement leur imprimatur à un sauvetage à l’orthodoxie douteuse mais dont elles avaient négocié la teneur. Mais en ont-ils fini ?
La mariée pourrait être moins belle que prévue. Que se passera-t-il, en effet, si la good bank intitulée Novo Banco ne pouvait être vendue au-dessus des 4,4 milliards d’euros prêtés par l’État pour la capitaliser ? Ces fonds proviennent en effet d’une dette de l’État qui ne sera pas couverte tant qu’ils ne seront pas totalement remboursés par des capitaux privés. Qu’interviendra-t-il par ailleurs si l’addition du capital et des créances subordonnées ne couvrait pas les pertes de la « bad bank », dont l’étendue n’est pas à l’abri des surprises ? Dans les deux cas, les contribuables pourraient être mis à contribution, dérangeant la belle histoire qui est contée.
Invités à apporter 500 millions d’euros pour couvrir les turpitudes du groupe Espirito Santo, les banques portugaises ont manifesté leur mécontentement d’être ainsi mises à contribution. Les petits actionnaires, qui avaient suivi la dernière augmentation de capital de la BES de juin dernier ont perdu leur investissement ainsi que la foi dans le système financier. La protection accordée aux créanciers seniors pourrait se révéler illusoire, leur sort étant tangent : quel remboursement peuvent-ils espérer ? Leurs créances seront-elles transférées à Novo Banco ou resteront-elles collées à la bad bank, auquel cas elles auront peu de chances d’être honorées ? Seront-elles ou non couvertes par les CDS destinés à les assurer, en application d’une décision de l’ISDA qualifiant ou non d’« événement de crédit » la restructuration de la banque ?
Ces prophéties de mauvaise augure mises à part, on ne peut s’empêcher de penser que le nettoyage de la BES intervient à point nommé, avant que la BCE ne finisse de procéder à son examen des bilans bancaires, car la banque figurait sur sa liste. Ni, sans faire de procès d’intention à cette dernière, de s’interroger sur ce qu’elle aurait trouvé la concernant si rien ne s’était passé !
Le dossier juridique se remplit. Le Crédit Agricole, qui doit intégrer 708 millions d’euros de provisions pour pertes dans ses comptes, s’estime trahi par la famille Espirito Santo et annonce qu’il étudie des poursuites, non sans raison. La banque lui avait permis de récupérer la BES, qui avait été nationalisée aux lendemains de la Révolution portugaise du 25 avril 1974. L’attention se porte également sur une petite entreprise suisse, Eurofin Holding SA, dont un membre du personnel était l’auditeur unique d’Espirito Santo International, la holding de tête du groupe déjà prise la main dans le sac d’irrégularités qui pourraient vite être requalifiées en malversations. Cette structure serait également indirectement connectée au directeur financier de la BES et aurait eu une part active dans la création de produits vendus aux clients de la BES pour un montant supérieur à leur valeur, qui ont contribué à financer le groupe, puis à approfondir le trou de la banque de 1,25 milliards d’euros en raison de la garantie de remboursement qu’il a donné.
Tout au long de cette crise, le gouvernement s’est planqué derrière la Banque du Portugal, mais il n’est pas encore acquis qu’il tire si facilement son épingle du jeu. L’application des règles communautaires du bail-in a quant à elle été formelle si l’on prend en compte les risques qui subsistent et pèsent sur les finances publiques. La séparation de la dette publique et privée a beau être évacuée par la porte de devant, elle revient par celle de derrière ! Au suivant !