Billet invité
Devant l’inéluctable, les créanciers se rongent les ongles et les avocats se frottent les mains. Les premiers en raison des pertes qu’ils risquent d’encourir, les seconds en prévision des multiples litiges qui s’annoncent et des poursuites qui les accompagneront. Notamment des clients de la BES – la banque du groupe Espirito Santo – qui leur a vendu de la dette d’autres entités du même groupe, ou de la filiale suisse Banque Privée ES, qui en a fait autant. Portugal Telecom pourrait également s’engager dans cette voie, suite au défaut de remboursement de Rioforte (une sous-holding du groupe qui est son actionnaire) pour près d’un milliard d’euros.
Au fur et à mesure que l’on pénètre dans les arcanes du groupe, on découvre qu’il est mité de dettes et que des blocs d’actions de ses différentes entités, ou des actifs comme les hôpitaux de sa branche médicale, ont déjà été apportés en garantie. Par exemple 15 % de ESFG (Espirito Santo Financial Group) à la Caixa Geral de Depósitos, l’équivalent de la Caisse des dépôts française. Cela confirme le degré de consanguinité des affaires financières du groupe, qui laisse peu de marge pour élaborer son plan de restructuration – tâche dont on se demande même si elle est possible – mais qui fournit autant de pistes pour le démantèlement du groupe, les destinataires des actifs étant déjà désignés… Le problème est qu’il n’y en aura pas pour tout le monde…
Devant les incertitudes montantes, comment protéger la banque si ce n’est par l’entrée de nouveaux actionnaires la recapitalisant ? La Banque du Portugal en a évoqué l’éventualité tout en niant sa nécessité pour la forme, mais on a appris de source espagnole que des contacts discrets avaient été pris par ses soins avec d’autres établissements bancaires, dont la filiale portugaise de Santander, la mégabanque espagnole. Mais comment de tels contacts pourraient-ils aboutir dans une telle confusion ? L’audit des comptes de la BES engagé par la Banque du Portugal – dont le gouverneur déclare ne pas attendre de surprises – suffira-t-il à dissiper celle-ci aux yeux d’éventuels investisseurs ? Tout renvoie à une clarification d’ensemble, car dissocier le sort de la BES de celui de son groupe reste un pari très hasardeux.
Ce ne sont pas les différentes enquêtes lancées par le Procureur général depuis des semaines et des mois, dont on apprend fortuitement l’existence, qui sont susceptibles d’éclairer les comptes, ayant pour objet de déceler si des poursuites au pénal s’imposent déjà. Le gouverneur de la Banque du Portugal a pris un nouvel angle afin de conjurer une sortie précipitée des déposants en affirmant que « la solvabilité de la BES était garantie », fondant cette certitude sur le fait que son exposition à sa filiale angolaise ne révèlera pas de mauvaises surprises en raison de la garantie apportée par l’État angolais. Tout en conditionnant toutefois son jugement à l’exactitude des éléments comptables examinés, ce qui dans les circonstances présente plus qu’une réserve d’usage.