Billet invité
La fronde prend corps avec la tenue demain samedi à Paris d’une réunion consacrée aux priorités de la prochaine Commission européenne. Sont annoncés les chefs des gouvernement autrichien, belge, danois, italien, slovaque et tchèque, ainsi que la présence du vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel.
Les évènements se précipitent après une ouverture en demi-teinte, et c’est dans un brouillard épais qui n’est pas de saison que s’engage l’inévitable tournant de la politique européenne. Le ballon d’essai lancé par Sigmar Gabriel, le ministre de l’économie et président du SPD, a reçu le soutien de poids de l’ex-chancelier Gerhard Schröder, le père des courageuses réformes sociales (on dit aussi douloureuses, suivant le point de vue que l’on adopte). Il est, a-t-il déclaré dans le quotidien Handelsblatt, « dans l’intérêt allemand de laisser à nos partenaires européens plus de temps pour les réformes en étant plus souples sur la politique d’austérité ». Mais il est le seul à parler clair, rangé de la politique mais non des affaires, dans un jeu où il importe visiblement de ne pas se découvrir prématurément.
Les ministres des finances français et italien ont ainsi assuré qu’il n’étaient pas « demandeurs de changement des règles », pour ajouter afin d’en convaincre, avant de dire le contraire : « Les règles sont les règles. Il faut simplement trouver le bon rythme pour chacun de nos pays, notamment les plus en difficulté ». Michel Sapin considérant toutefois nécessaire que « le retour à une situation budgétaire maîtrisée, une diminution ordonnée de la situation d’endettement, une diminution des déficits se fassent dans des conditions compatibles et même porteuses de croissance ». « Nous ne demandons pas un changement de règles, mais de priorités », a de son côté souligné Harlem Désir, le nouveau secrétaire d’État aux affaires européennes français, tandis que son homologue italien, Sandro Gozi, précisait : « on demandera à la nouvelle Commission européenne de lire complètement les traités et les règles, et de ne pas s’arrêter seulement au mot stabilité alors que celui de croissance y est aussi inscrit. »
La partie est engagée et le FMI n’a pas sauté son tour. Mais la prudence a semble-t-il aussi été la règle de son côté, contrairement à ce que le Financial Times avait cru pouvoir annoncer à la lecture d’un projet de rapport. Officiellement, Christine Lagarde s’en est tenue à proposer « non pas un changement de règle mais de réfléchir à une évolution ultérieure » du pacte de stabilité et de croissance, pour le « simplifier » une fois constaté à son propos « une certaine complexité d’une part et des divergences d’interprétation d’autre part ». Elle a remarqué aussi que les seuils de déficit et d’endettement du pacte ont été définis « dans des périodes de croissance qui n’avaient rien à voir. Aujourd’hui, on se trouve dans certains pays en présence de dettes qui ont explosé par rapport à ces 60 % ».
Restait à Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, à couper court à toute velléité d’adoption d’un programme d’achats obligataires par la BCE en niant le risque de déflation agité par le FMI et en se déclarant plus préoccupé par… le risque d’une bulle immobilière en Allemagne.