Billet invité.
Ils font de l’or avec tout ce qu’ils touchent ! On savait déjà comment la spéculation financière avait été alimentée par l’usage détourné des produits de couverture, qui se poursuit, et l’on connaissait l’activité des fonds vautours sur le marché obligataire, où l’un d’entre eux s’illustre actuellement au détriment de l’Argentine. Mais la liste n’est pas limitative : dans un tout autre domaine, celui des brevets et de la propriété intellectuelle, la même inspiration et les mêmes talents ont trouvé à s’exercer aux États-Unis, et marginalement encore en Europe.
Non pas à la manière grossière d’un viol caractérisé, dont les Chinois seraient parait-il coutumiers, mais à la faveur plus subtile du détournement d’une législation ayant originellement pour objet de protéger par des brevets l’innovation technologique et de permettre ainsi son financement. Pour ne pas affubler ces pratiques omniprésentes aux États-Unis du vilain terme de spéculation, ils sont qualifiés de monétisation de la propriété intellectuelle, dans un secteur qui s’y prête particulièrement en raison de son caractère très concurrentiel et du flot constant d’innovations dont il bénéficie : le « high-tech ».
Tout a commencé par le développement des « patent pools », ce regroupement de brevets appartenant à la même famille, dont les licences étaient vendues en paquets. Une pratique fonctionnelle au départ, qui a ensuite dérivé vers des stratégies de contrôle de ce marché, aboutissant à la concentration de la propriété des brevets dans les mains d’un nombre restreint d’entreprises grâce à des achats massifs, sans que l’intention soit nécessairement de les utiliser. Des sociétés qualifiées de Non practicing entities (entités sans activités) étaient crées à ce dernier effet. Le tout orientant le cas échéant la définition des normes techniques de référence afin que leur respect implique l’achat d’une licence sur les brevets qu’elles détiennent.
Comme si cela ne suffisait pas, un dérapage prononcé s’en est suivi. Des « patent pools » on est passé à des fonds d’investissement spécialisés, les « patent trolls » que l’on pourrait appeler chasseurs de brevets, et la guerre qui était engagée a atteint son paroxysme, à tel point que les autorités américaines s’en sont alarmées (sans effet notable à ce jour). Ces chasseurs d’un nouveau genre ont pour activité d’engager des actions en justice pour contrefaçon et violation de leurs droits de propriété sur des brevets qu’ils n’exploitent pas mais qu’ils détiennent. 60% des plaintes liées aux brevets enregistrées aux États-Unis le seraient de leur fait, aboutissant en 2011 à des dommages et intérêts en leur faveur de 29 milliards de dollars, parfois obtenus afin d’éviter une action en justice dont les coûts sont très élevés.
Détail important, cette pratique n’a rien d’illégal et il lui est trouvé des justifications complaisantes du type la revanche des petits contre les gros. Mais si ce sont les plus grandes entreprises qui suscitent le plus de plaintes répertoriées, c’est parce que les petites n’ont souvent pas d’autre issue que de payer pour éviter les dépenses d’un procès. Et, à y regarder de plus près, le jeu n’est pas si manichéen car les grandes entreprises utilisent les services de chasseur de brevets pour valoriser au mieux leur propres portefeuilles…
La parasitologie, science consacrée à l’étude du parasitisme, a mis en évidence que les organismes qui en étaient victimes développaient des moyens de défense, tandis que les parasites en faisaient autant pour continuer de rencontrer leur hôte et survivre à ses dépens. Parfois l’un des deux meurt, parfois même les deux…