Grèce : UN « SAUVETAGE » AU COÛT INAVOUABLE, par François Leclerc

Billet invité.

Datant de novembre 2012, la promesse de la Troïka au gouvernement grec n’est pas prête d’être honorée. Reconnue insoutenable, la dette publique du pays devait pour la seconde fois être restructurée, à condition qu’un excédent primaire supérieur à 1,5% du PNB soit dégagé cette année. Bien que ce soit chose faite – en vertu d’une méthodologie de circonstance mitonnée par Eurostat, afin que les autorités européennes puissent s’en prévaloir – les conditions préalables se multiplient et retardent toute décision. Il était d’abord question d’attendre août pour en discuter, les élections passées, puis maintenant la fin de l’année, afin de prendre en compte les résultats de la revue des actifs des banques grecques par la BCE.

Le résultat du sauvetage grec est en effet difficile à assumer : en quatre ans, la dette publique du pays est passée de 120% à 175% du PIB, tout en changeant de mains ainsi que de taux. Mais la dette n’est toujours pas soutenable. Les contribuables européens devraient supporter le coût de sa restructuration, dont diverses institutions détiennent 225 des 321 milliards d’euros. D’où quelques atermoiements !

Le gouvernement grec a tenté de poser l’équation, mais ne peut pas la résoudre. Pas question de faire rouler la dette en allant sur le marché, car même aux taux actuels, cela renchérirait son service. Un abandon de créance étant exclu pour des raisons politiques, reste comme seule option la diminution des remboursements annuels, avec le risque qu’ils absorbent la totalité des excédents et que le pays replonge dans une spirale récessive faute de pouvoir investir, conduisant en bout de course au défaut.

Comment passer entre les gouttes ? Le gouvernement propose d’abord d’utiliser les 11 milliards d’euros restants du fonds d’aide aux banques. Un pari audacieux car, gorgées de titres de la dette grecques, celles-ci subiraient des pertes importantes en cas de hausse des taux, et les fonds destinés à les aider ne seraient plus disponibles (à elle seul, Eurobank, une banque grecque, possède 18% de la dette du pays). Puis, en procédant parallèlement à une restructuration sous forme d’allongement à 50 ans de la maturité de tous les titres de dette en circulation.

Si ce schéma devait finalement être adopté, puis tenu, il condamnerait le pays à une rigueur extrême tout le long du demi-siècle à venir… En attendant, il permettrait une fois de plus de gagner du temps afin de ne pas avouer aux contribuables européens – au prix d’un coût politique redouté – qu’ils doivent prendre en charge une remise de peine devenue inévitable. Les plans de sauvetage qu’ils n’ont cessé de défendre n’ont en effet pas fonctionné comme annoncé : ils ont plongé les pays qui en bénéficient dans une profonde crise sociale et, dans le cas de la Grèce, une restructuration de dette sur fonds publics ne pourra être évitée, en attendant de voir la suite dans les autres pays européens.