Billet invité.
L’optimisation fiscale à la mode américaine imprime sa marque dans l’actualité internationale. General Electric convoite le français Alstom et le groupe pharmaceutique Pfizer vise le britannique AstraZeneca. Le temps de nouvelles grandes opérations de concentrations industrielles est revenu, dont les causes sont en premier lieu fiscales.
D’après le cabinet AuditAnalytics, les compagnies transnationales américaines disposent d’environ 2.000 milliards de dollars à l’extérieur du territoire américain, à l’abri du fisc comme le permet la réglementation fiscale. A contrario, ces sommes seraient imposées à 35 % si elles étaient rapatriées. Une situation que le Pdg de Pfizer justifie en critiquant le caractère « non-compétitif » de la fiscalité fédérale américaine sur les sociétés, cherchant avec ses homologues à obtenir que le niveau de taxation soit abaissé. En attendant, les grandes entreprises américaines sont incitées à faire leur marché à l’étranger et à procéder à des méga acquisitions (quand elles ne s’adonnent pas aux jeux de la finance).
Dans le cas d’Apple, ces mêmes considérations aboutissent à ce que la société en vienne à préférer s’endetter en émettant des obligations, avec comme but de distribuer des dividendes à ses actionnaires, pour ne pas rapatrier des avoirs qui seraient imposés. Au vu des taux du marché obligataire, le calcul est vite fait : c’est beaucoup plus avantageux d’emprunter d’autant que les capitaux en question sont logés dans des paradis fiscaux, aux bons soins du « double irlandais » et du « sandwich hollandais », ces montages financiers qui font autorité en Europe.
Ces capitaux ne sont en tout cas pas investis aux États-Unis, ce qui éclaire sous un jour nouveau le phénomène de désindustrialisation présenté comme relevant de la manipulation par les autorités chinoises de leur monnaie, afin qu’elle reste sous-évaluée par rapport au dollar. Comment ce système pourrait-il évoluer ? Les Démocrates ont proposé en novembre dernier une refonte du code fiscal associant une baisse de l’impôt sur les sociétés à la suppression des dispositions permettant aux entreprises de stocker leurs bénéfices à l’étranger. Mais cela n’a aucune chance de trouver grâce aux yeux des Républicains majoritaires à la Chambre des représentants. Les entreprises, pour leur part, sont tentées de réduire d’avantage leurs impôts en transférant vers leurs filiales étrangères les bénéfices réalisés sur le territoire américain.
L’optimisation fiscale résultant de la mondialisation financière est un puissant facteur de réduction des recettes fiscales, d’amoindrissement du rôle de l’État et de concentration industrielle. Cette dernière va de pair avec la concentration bancaire et dessine les contours d’un nouveau monde au sein duquel l’exercice de la démocratie représentative est plus que jamais marginalisé quand il n’est pas vidé de sa substance.