Billet invité.
En application d’un calendrier parfait, Angela Merkel rend aujourd’hui visite à Antonis Samaras, le premier ministre grec, afin de conforter l’idée que le pire est passé et dans le but de distancer Syriza aux élections municipales et européennes à venir. Un geste calculé qui éclaire l’émission obligataire d’hier, dont la vocation était de permettre d’affirmer le retour de la confiance des marchés. Les Grecs sont pauvres mais sauvés !
Mais les résultats de cette émission à cinq ans sont inquiétants plus qu’autre chose, précisément en raison de leur succès mirobolant. Plus de 21 milliards d’euros de demandes auraient été enregistrés par les banques pour cette émission syndiquée de finalement 3 milliards d’euros : cela a été la ruée, l’opération ayant été bien orchestrée ! D’où provient cependant cet appétit glouton pour la dette d’un pays dont le montant représente 175% du PIB et dont on ne voit pas comment il échappera à une nouvelle restructuration ? Les marchés ne cherchaient-ils tout simplement pas à réaliser une bonne affaire dans l’immédiat ? Dans une situation de faible inflation, le coupon de 4,75% est des plus attrayants, surtout s’il est imprudemment parié que la BCE va mettre en œuvre le programme d’achats de titres qu’elle a déclaré tenir prêt, ce qui permettrait de lui céder ensuite les obligations achetées.
Qui sont ces quelques 600 investisseurs qui se sont précipités ? Une telle affluence et la solide présence des grandes banques américaines dans l’opération accrédite la présence de hedge funds et de gérants d’actifs américains. Pour ceux-ci, qui investissent en dollars, l’affaire n’en est que meilleure en raison de l’appréciation de l’euro. Finalement, les banques grecques en service commandée et les européennes n’auront probablement joué un rôle subalterne.
S’estimant mal traités aux États-Unis depuis que la Fed diminue ses achats de titres et fuyant les marchés émergents, les investisseurs trouvent en Europe les bonnes occasions qu’ils recherchent. Ils ont déjà profité des délestages d’actifs des banques européennes et attendent que demain la BCE prenne le relais de la Fed. Leurs taux restés élevés, les titres de la dette des pays périphériques sont dans l’immédiat bons à prendre.
Pour ne pas être en reste, une baisse a été enregistrée sur les taux à dix ans italiens, portugais, espagnols et irlandais sur le marché secondaire, sous la pression de cette même demande. Au-delà de l’opération de relations publiques grecque, l’ensemble ressemble bien d’avantage à un nouvel épisode de de « l’exubérance irrationnelle des marchés » qu’à la délivrance d’un satisfecit à la politique européenne. Des deux côtés de l’Atlantique, les signaux s’accumulent en ce sens. Aux États-Unis, on assiste à l’envol du crédit automobile, et plus particulièrement des prêts de faible qualité, ainsi qu’à la floraison d’entreprises spécialisées dans ce secteur du crédit, l’ensemble contribuant à la bonne santé apparente de l’industrie automobile et à la croissance américaine, mais démontrant une fois de plus que les marchés ont la mémoire courte et privilégient le rendement.
S’il était recherché un autre signal montrant que les temps ne sont pas au retour de la croissance en Europe, une enquête effectuée par l’agence Bloomberg viendrait en convaincre. Après investigation auprès des entreprises de 18 pays européens de l’indice Stoxx Europe 600, il s’avère que celles-ci privilégient sans nuances la distribution de dividendes et les opérations de rachat de leurs actions à l’investissement, en dépit du doublement de leurs disponibilités depuis 2008. La valeur de leurs actions continue de progresser en conséquence, mais leur contribution à la croissance économique reste faible, les perspectives dans ce domaine ne les incitant pas à investir. Voilà qui éclaire sans fard la miraculeuse politique de l’offre défendue, dont l’objectif proclamé est de permettre aux entreprises d’améliorer leurs marges pour investir dans l’économie !
Cerise sur le gâteau si l’on peut dire, il aura suffi d’un voyage à Berlin de Michel Sapin, le nouveau ministre de l’économie et des finances français pour faire évoluer sa pensée. Avant, il fallait discuter du rythme de réduction du déficit, après, l’objectif de 3% était réaffirmé pour 2015.