Billet invité
Un projet de loi portant sur le secret des affaires est élaboré en catimini à Paris, transposant une directive européenne ayant le même objet, sans même attendre son adoption. Pourquoi une telle urgence ? Martine Orange analyse dans Médiapart la teneur inquiétante de la directive et s’inquiète du secret qui entoure la préparation du texte français.
On retiendra particulièrement le flou qui entoure la définition du secret des affaires (et donc de la définition de l’infraction qui en découle), toute activité économique pouvant aisément en relever, et la description de ce qui est entendu par la publication ou la détention de tels secrets d’affaires : seraient considérés comme « coupables » ceux qui détiendraient de telles informations et qui « auraient dû savoir » qu’elles ont été obtenues d’une manière devenue désormais illicite. On voit mal dans ces conditions comment l’information économique (ne se résumant pas à la communication des entreprises) et les libertés syndicales en sortiraient indemnes, et comment les affaires pourraient continuer à sortir et les lanceurs d’alerte agir. Peu probable également que la justice y trouve son compte, si l’on considère tous les scandales qui n’auraient pas pu voir le jour.
Si une transposition s’annonce, c’est celle des pratiques en vigueur dans le monde financier, où la transparence n’est qu’en façade, et de l’extension du si pratique secret défense et depuis peu d’une protection extensive de la vie privée quand il faut protéger des activités illicites. Ainsi que le dénonce Martine Orange, « Une chape de plomb menace de s’abattre sur les entreprises et l’économie. C’est bien ce que cherchent certains lobbies : transformer tout ce qui touche au monde des affaires et de l’argent en monde du silence, répandre l’opacité sur leurs usages, organiser une omerta sur toutes leurs pratiques et leurs visées. »
Ces velléités interviennent dans le contexte des révélations sur l’espionnage généralisé pratiqué par la NSA américaine et ses partenaires étrangers. D’un côté on surveille, tandis que de l’autre on verrouille. Mais les interdits ne sont pas faits pour tout le monde et les transgressions sont légitimées, à en croire le projet de réforme éminemment permissif des activités de la NSA par l’administration Obama. On savait que le jeu financier était faussé en raison de la dissymétrie de l’information, on comprend que le vrai pouvoir repose sur une information réservée aux privilégiés, à laquelle les autres n’ont pas accès, à l’image de la distribution inégale de la richesse. Comment la démocratie pourra-t-elle s’exercer dans ces conditions-là ?
Le projet de la Commission :