Billet invité
Alors qu’ils devraient être brisés, les tabous ne sont souvent qu’un peu bousculés et les mises en cause qui en résultent ne changent pas la face du monde comme il le faudra bien.
De toutes parts, le FMI est appelé à jouer un rôle qui n’est pas le sien en étudiant dans l’urgence un plan de sauvetage de l’Ukraine sans garantie sérieuse de ne pas prêter à fonds perdus, comme ses règles de fonctionnement l’imposent. Ne l’avait-il pas déjà fait dans le cas de la Grèce, d’ailleurs ? Mais nécessité fait loi dans une situation où les problème de solvabilité l’emportent sur ceux de liquidité qui en découlent, laissant désarmées les banques centrales. Or, à des degrés divers, c’est le cas général et il faut bien trouver une solution. Avec le FMI, la dette peut être dans l’immédiat roulée sans avoir besoin d’être restructurée.
Sous le titre prometteur de « Pourquoi nous ne devons pas vivre avec le fléau de l’inégalité » Jonathan Ostry, directeur adjoint du département de recherche du FMI, délivre dans le Financial Times une réflexion précautionneuse à propos de la thèse selon laquelle toute mesure gouvernementale visant à remédier à l’inégalité jouerait contre la croissance. Pour en tirer comme conclusion que les mesures de réduction des inégalités qu’il a étudiées avec ses collègues ne semblent pas avoir généré des retards de croissance, et que « face aux inégalités, l’inaction peut difficilement être préconisée comme une politique standard »… Plus direct, le sous-titre de la rédaction du journal annonce : « une politique fiscale redistributive semble conduire à une plus forte croissance ».
Convaincus que la politique poursuivie en Grèce ne fonctionnera pas, Peter Allen, Gary Evans et Barry Eichengreen – tous trois des économistes distingués – proposent une solution tortueuse de restructuration de la dette grecque. Selon eux, la BCE, le Mécanisme européen de stabilité (MES) et l’Union européenne devraient procéder à une opération de swap des créances qu’ils détiennent sur la Grèce. Les titres émis à l’occasion seraient proposés en dessous de leur valeur nominale par des investisseurs privés, à qui le gouvernement grec les rembourserait à une valeur intermédiaire grâce aux revenus provenant de la vente aux enchères de biens publics destinés à la privatisation. Tout le monde, selon eux, serait content à l’arrivée : le gouvernement grec dont la dette serait diminuée grâce à ce mécanisme, les investisseurs qui gagneraient de l’argent, et les créancier initiaux de la dette qui ne subiraient que des pertes limitées, la BCE ayant acheté les titres grecs avec un discount et le MES ayant déjà étendu dans ses livres la maturité des titres et diminué le taux de la plupart d’entre eux. Que ne faut-il pas inventer pour éviter d’aller droit au but !