LA CRISE UKRAINIENNE SE DÉPLACE SUR LE TERRAIN FINANCIER, par François Leclerc

Billet invité

Les marchés financiers européens ont encaissé le choc des évènements en Ukraine dès leur ouverture ce lundi matin. La Bourse russe s’enfonce et le rouble en fait durement les frais, incitant la banque centrale russe à nettement augmenter son taux directeur, tandis que l’on assiste au classique repli vers les valeurs refuge des temps de crise : l’or (dont les cours montent), et les obligations (dont les taux baissent). Le cours du pétrole bondit, les gazoducs et oléoducs livrant à l’Europe le gaz et le pétrole russe traversant l’Ukraine.
La forte exposition des banques russes au pays est soulignée, tandis que la faiblesse économique et financière russe grandissante est rappelée, la croissance continuant de fortement se dégrader, mettant en évidence la portée de sanctions financières potentielles qui sont dénoncées par avance par Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères.

N’enregistrant pas de panique, les analystes financiers s’attendent de leur côté à ce que les marchés connaissent une forte volatilité dans les temps à venir (ce qui n’est pas nécessairement pour déplaire à tout le monde, car c’est le moment des bonnes affaires pour les plus habiles.) Pour l’Ukraine, qu’est-ce que cela pourrait signifier ? Les chances d’une intervention du FMI augmentent, conditionnée à un sévère programme de réformes. Laissé exsangue par les oligarques et leurs alliés politiques successifs qui n’ont pas investi dans la modernisation de son appareil productif, le gouvernement devrait en contrepartie procéder à des mises en cause douloureuses, payées par les Ukrainiens. Les Russes tenteront dans ce scénario de ne participer qu’a minima au financement du pays, concentrant leurs efforts en faveur de la Crimée, tout en réclamant, sur la base des gages qu’ils y ont pris et via la formation d’un « groupe de contact », ce que Grigori Karassine, l’un des vice-ministres russe des affaires étrangères, a appelé le « renforcement de nos relations bilatérales [avec l’Ukraine] », c’est-à-dire la mise en place d’un pouvoir politique complaisant. Mais cette hypothèse reste à concrétiser.