LA FICTION DU DÉMANTÈLEMENT DE FUKUSHIMA, par François Leclerc

Billet invité.

Une centaine de mètres cubes d’eau contaminée ont à nouveau fuit de l’un des énormes réservoirs où elle a été stockée, annonce Tepco, l’opérateur de Fukushima. Pour lui, l’essentiel est d’affirmer qu’elle n’a pas atteint la mer et que la fuite est donc circonscrite; mais qu’en est-il de la contamination qui se poursuit des sous-sols sur lesquels la centrale repose, via lesquels elle peut se répandre ? La fragilité de ces réservoirs n’étant plus à démontrer, leur remplacement a été annoncé, sans qu’il soit depuis intervenu.

Les robots télécommandés se succèdent, mais leurs performances annoncées – qui demandent à être vérifiées – sont loin de répondre aux exigences d’un démantèlement futur, dont la vraisemblance reste à démontrer. Le petit dernier se dénomme Meister et a été développé afin de résister au très haut niveau de contamination au sein des réacteurs où il doit pénétrer. Il est destiné à inspecter l’intérieur inaccessible du réacteur n°2, à effectuer des carottages du béton et à découper de petits obstacles bloquant les voies d’accès. La modestie de sa mission, qui reste à accomplir, met en relief la tâche à accomplir.

Les explorations qui ont pu être réalisées dans les trois réacteurs qui étaient en activité lorsque la catastrophe est survenue restent très limitées. Pour évaluer les phénomènes qui s’y poursuivent, l’opérateur dépend largement d’instruments de mesure, notamment de la température. Mais, avec le temps ou à la faveur d’incidents de maintenance, ceux-ci viennent à faire défaut. Sur les 9 thermomètres dont la cuve du réacteur n°2 est pourvue dans sa partie basse, seul l’un d’entre eux continue de fonctionner après un court-circuit qui a atteint le second qui était encore en fonction.

Arnie Gundersen, qui poursuit avec constance l’analyse de la situation à Fukushima, apporte un nouvel éclairage sur les opérations de retrait du combustible nucléaire des piscines des réacteurs. L’opération a commencé il y a six mois et a abouti à extraire de la piscine n°4 environ 15% des assemblages qui s’y trouvaient stockés, mais elle a laissé pour la fin le plus difficile : l’extraction des casiers à combustible endommagés. Le tableau s’annonce bien pire si l’on considère la piscine du réacteur n°3, là où l’explosion d’hydrogène a été la plus violente et les dégâts les plus importants. Comment les tonnes d’installations qui sont tombés dans la piscine du réacteur pourraient-elles ne pas avoir déformé les casiers contenant les assemblages de combustible ? Leur extraction pourrait alors poser un problème d’une toute autre ampleur.

La fiction d’un démantèlement de Fukushima sera tenue le plus longtemps possible, comme si tout de ce qui est survenu pouvait être effacé. Mais cette perspective n’est déjà plus crédible dans la région évacuée autour de la centrale, où la décontamination montre ses limites. S’agissant de la centrale elle-même, comment pourrait-il en être autrement ?