Billet invité
On ne présente plus l’aléa moral dont les banques bénéficient en ayant implicitement la garantie d’être aidées par les États en raison des conséquences potentielles de leur déconfiture, au vu de leur taille et de leur interconnexion. Mais mesure-t-on bien que le shadow banking, en plein développement, est également dans ce cas ? Les entités de différentes natures qui le constituent échappant à la surveillance (toute relative) dont les banques font l’objet, que se passerait-il, en effet, si des entités de ce secteur par conséquent plus vulnérable et très opaque étaient frappées par un sévère incident de parcours ?
La séquence des événements qui en résulterait est facile à établir : les institutions ayant investi dans ces entités retireraient leurs fonds, entraînant la liquidation de leurs actifs et une baisse des cours. Ces mêmes entités retireraient les avoirs qu’elles détiennent dans les banques, sous forme de repos (pensions livrées) et tireraient sur les lignes de crédit dont elles disposent auprès de celles-ci. Le choc initial serait au final répercuté vers le secteur bancaire régulé, en raison de la porosité entre les deux secteurs. La conclusion ne fait pas de doute : le shadow banking est aussi une institution systémique, un soutien ne pourrait lui être refusé en cas de gros coup dur.
C’est donc l’ensemble du système financier qui, en raison de son volume et de son caractère profondément systémique, bénéficie de l’aléa moral et il est vain de vouloir dresser une liste des établissements – banques ou assurances – qui le seraient tout particulièrement et dont les fonds propres devraient être en conséquence renforcés. À l’opposé, il n’est pas question que les États y aient droit. Ainsi, le programme OMT de la BCE, dont la concrétisation est désormais fortement mise en doute, conditionne tout achat de titres souverains d’un pays à la mise en œuvre de réformes structurelles, afin de ne pas être générateur de cet aléa moral…
Faut-il s’étonner de cette dissymétrie ? Elle se manifeste sur un autre terrain : celui du marché obligataire. Étant donné le rôle que jouent les titres souverains des pays avancés dans la stabilisation du système financier, il n’est pas admissible que ces titres soient restructurés d’une manière ou d’une autre, sauf à la marge et très exceptionnellement comme en Grèce. Ces États doivent donc coûte que coûte rembourser leur dette et la réduire pour éloigner le danger qu’un tel événement représente, sans pouvoir se défausser. Le paradoxe est qu’ils s’infligent eux-mêmes cette contrainte, ce qui en dit long sur l’indépendance des États en question, ainsi que sur celle de leurs gestionnaires.