Billet invité.
La décision des juges de Karlsruhe (la Cour constitutionnelle allemande) n’a pas fini de faire jaser les commentateurs. Les uns mettant en avant leur mise en cause du programme OMT de la BCE au regard de la Loi fondamentale du pays, les autres ce qu’ils interprètent comme une défausse auprès de la Cour européenne de justice laissant une ouverture. Mais, en tout état de cause, le venin du doute fait désormais son chemin.
Cette occasion de dénouer le lien entre la dette des États et celle des banques s’éloignant – la BCE perdant l’opportunité de transférer à son bilan les titres souverains en possession des banques, faute d’activer son programme – les futurs tests menés par celle-ci et par l’Autorité bancaire européenne (EBA) constituent la dernière opportunité de conduire à la réparation du système bancaire et d’éviter la japonisation de l’Europe. Car de fait, la BCE a perdu sa capacité d’agir en tant que prêteur de dernier ressort.
Que penser de la menace de Danièle Nouy proférée à l’occasion de son arrivée à la tête de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) chargé de surveiller les banques pour le compte de la BCE ? « Nous devons accepter que certaines banques n’ont pas d’avenir […] Nous devons laisser disparaitre certaines de manière ordonnée, sans nécessairement les fusionner avec d’autres institutions » a-t-elle déclaré. S’agit-il de faire quelques exemples pour accréditer l’exercice dans son ensemble, ou est-ce l’expression d’une volonté de faire le ménage dans les pays dont les banques sont gorgées de titres souverains nationaux ? Dans ce dernier cas, le jeu de la patate chaude reprendra.
Les banques autrichiennes donnent un avant-goût de ce qui pourrait se passer, refusant de financer la bad bank créée pour secourir Hypo Alpe Adria et laissant au gouvernement le choix de mettre la banque en faillite ou de la renflouer à ses frais. À la recherche d’une solution permettant de boucher son trou de financement, le gouvernement grec est confronté à sa manière au même problème : parmi d’autres expédients, il voudrait obtenir de distraire les fonds d’aide destinés au renflouement des banques afin de financer le fonctionnement de l’État, créant un autre trou si les tests mettent en évidence des besoins de renforcement des fonds propres en raison de la présence au bilan de grandes quantités de titres souverains sous la menace permanente de restructuration.
À l’image de la confusion qui se poursuit en Italie, le premier ministre, le gouverneur de la Banque d’Italie et le ministre de l’économie cherchent des solutions pour « alléger leur patrimoine de crédits détériorés », comme l’a formulé ce dernier. Selon l’Association des banques italiennes (ABI), ceux-ci atteindraient le montant brut de 149,5 milliards d’euros à la fin janvier. L’objectif affiché est de ne pas faire appel à des fonds publics. Mais les initiatives d’Intesa SanPaolo et d’Unicredit, qui s’efforcent de vendre une partie de leurs portefeuilles et envisagent de créer des véhicules financiers permettant de s’en décharger n’épuisent pas le problème. Selon Ignazio Visco, le gouverneur de la banque d’Italie, « des interventions plus ambitieuses (…) ne sont pas à exclure », faisant allusion à la création d’une bad bank, au prétexte qu’elles « pourraient permettre de libérer des ressources à utiliser pour le financement de l’économie ». Enrico Letta, le premier ministre, a déclaré ne pas exclure cette possibilité à l’AFP, après la parution d’un article dans le Financial Times évoquant son veto.
La restriction du volume du crédit aux PME européennes affecte particulièrement l’Italie, mais les projets de relance de la titrisation sont dans les limbes. A l’initiative en juin dernier de la Commission et de la Banque européenne d’investissement (BEI), il était envisagé d’utiliser les fonds structurels européens pour garantir les produits de titrisation des nouveaux prêts aux PME, mais les gouvernements renâclent devant la nécessité de les accroître. Il n’en ressort ni des résultats économiques brillants, ni une diminution du chômage, mettant en évidence que le nettoyage des bilans bancaires est la clé de la relance, comme la démonstration par l’absurde en a été amplement faite au Japon, dont l’Europe suit décidément la trace.