La défense des intérêts bancaires : DE LA CONNIVENCE À LA COMPLICITÉ, par François Leclerc

Billet invité.

Personnage d’importance, Christian Noyer est gouverneur de la Banque de France et membre à ce titre du conseil des gouverneurs de la BCE, ainsi que président de la Banque des règlements internationaux (BRI). Ce qui a semblé l’autoriser à traiter le 29 janvier dernier « d’irresponsables et contraires aux intérêts de l’économie européenne » les propositions de séparation des activités bancaires de la Commission, après avoir éreinté en octobre dernier le projet de taxe sur les transactions financières, en raison des « énormes risques » qu’il représenterait. Les banques françaises, et la Fédération des banques françaises qui veille si férocement à leurs intérêts, pourraient-ils trouver meilleur interprète ? Pierre Moscovici, le ministre des finances avait déjà cru nécessaire de publiquement se défendre de se faire celui-ci devant les députés.

Dans une note d’information destinée aux journalistes, les services de Michel Barnier ont répliqué en faisant notamment remarquer que « Si l’une des grosses banques systémiques devait dépasser durablement les seuils [de risque] permis, les coûts liés à son éventuelle filialisation seraient très modérés par rapport aux coûts d’une crise d’ampleur systémique. » L’argument n’étant pas faux, mais il faudrait pour porter que ce soient les banques qui supportent ces coûts dans les deux cas…

Dès qu’il touchent aux activités bancaires, les projets européens suscitent des débats acharnés et des polémiques qui en viennent à être publiques. C’est également le cas de l’Union bancaire, dont le projet adopté par les ministres européens est mis en cause par la majorité du Parlement européen, emmenée par son président. Les dix ans accordés aux banques pour abonder de 55 milliards d’euros le fonds de résolution sont considérés comme trop longs ; il est refusé que les gouvernements aient le dernier mot en matière de mise en faillite d’une banque, au terme d’un processus lent et complexe; et que le fonds de résolution soit appuyé sur un traité intergouvernemental excluant le Parlement du processus.

La Commission avait il y a presque un an présenté un projet de taxe sur les transactions financières , à la suite d’un accord impliquant onze pays membres de l’Union européenne dans le cadre d’une « coopération renforcée ». Mais le dossier n’a pas avancé depuis, enlisé dans des discussions sur l’assiette et le taux d’une telle taxe, que les autorités allemandes et françaises cherchent à minorer le plus possible, en dépit de leurs déclarations de façade favorables. Selon une déclaration d’Attac, d’Oxfam en France, ainsi que de Attac et de l’ONG WEED en Allemagne, on chercherait en particulier à soustraire de l’assiette de la future taxe les produits dérivés et le trading à haute fréquence.

Toutes ces affaires ont en commun que ce sont les gouvernements qui, en première ligne, s’empressent de défendre les intérêts bancaires avec opiniâtreté et constance.