Billet invité.
Ils sont tous montés au créneau en France : la Banque de France, la Fédération des banques françaises, Europlace et le Medef. Rivalisant de mots durs pour vilipender le projet de séparation des activités bancaires finalement présenté par le commissaire Michel Barnier, au terme d’une longue gestation. Christian Noyer, le président de la Banque de France a même qualifié « les idées mises sur la table par le commissaire Barnier d’irresponsables et contraires aux intérêts de l’économie européenne ». Diable ! Leur adoption par le Parlement européen n’étant par ailleurs pas envisageable dans l’immédiat, étant en fin de mandat, cela la repousse à la fin 2015 et conduit décidément à s’interroger : pourquoi donc une si vive réaction dès maintenant ?
Pouvant être qualifiées de timorées, les dispositions de ce document relatives à la séparation des activités risquées prétendent être « au point d’équilibre » entre les lois et projets existants. Pour mémoire, il existe déjà la loi Dodd-Frank aux États-Unis et des lois allemande et française, ainsi que le projet britannique et l’étude préalable commandée par la Commission. Dans un domaine où les nuances sont décisives, une chatte n’y retrouve pas ses petits, car tout est aussi affaire d’interprétation. Autant dire aussi que la porte est grande ouverte afin d’utiliser l’argument classique des distorsions de concurrence et d’aligner par le bas les mesures.
Selon des sources européennes rapportées par le Financial Times, mais non identifiées, les mesures envisagées n’affecteraient les revenus provenant des activités de trading pour compte propre sur la sellette qu’entre 2 et 4%. Le volume de celles qui deviendraient interdites, suivant le mode adopté par les Américains, a été restreint autant qu’il était possible, suivant l’analyse qu’en fait le journal. Mais une autre disposition est considérée comme totalement irrecevable. Elle donnerait à la BCE le pouvoir d’imposer la filialisation de nombreuses activités à la trentaine de grandes banques concernées par la réforme, dont celles de teneur de marché, sous le manteau duquel est lorsque nécessaire dissimulé le trading pour compte propre, notamment sur les produits dérivés. Voilà le casus belli ! Toute filialisation d’activité, qui pourrait après tout être considérée comme un moindre mal, est par ailleurs rédhibitoire, car elle suppose d’apporter des fonds propres spécifiques à l’activité et affecte la rentabilité du groupe en raison de leur coût.
En règle générale, les lobbies bancaires préfèrent les négociations feutrées aux éclats. Se sentent-ils aujourd’hui si menacés, ou bien considèrent-ils que le temps est venu d’en finir avec toute nouvelle règlementation, l’envasement de l’Union bancaire leur ayant montré le chemin ? Les deux ne sont pas incompatibles. Quoi qu’il en soit, le sort réservé au trading des produits dérivés se révèle au cœur de leurs préoccupations, signe que c’est dans cette plaie qu’il faudrait porter le fer.