Billet invité.
Cela devait arriver, et cela n’a pas tardé : un frigidaire « intelligent » – capable de dresser la liste des commissions, ou mieux de la télécharger à un fournisseur pour livraison – a été victime d’une cyberattaque ! Dans un monde qui vit à l’heure des objets connectés, des horizons nouveaux s’ouvrent. Non seulement aux hackers qui veulent laisser la trace de leur passage pour la beauté du geste, mais aussi aux malfaisants en tous genres qui trouveront de nouvelles occasions de se faire du beurre sur notre dos.
Le sujet se prêterait à la plaisanterie, si nous ne vivions pas une époque formidable, où les grandes oreilles de la NSA américaine se révèlent capables d’intercepter y compris nos SMS les plus anodins, à toutes fins utiles justifie-t-elle pour que nous n’y voyons pas malice. Et où le président des États-Unis soi-même prononce une allocution de 45 minutes de son précieux temps pour ne rien dire à ce sujet et d’entériner la pratique, comme l’a relevé Julien Assange.
Lorsque l’on met bout à bout les deux informations ci-dessus, quel avenir radieux s’offre à nous dans un monde où même les événements les plus insignifiants de notre vie quotidienne seront susceptibles d’être connus et analysés, afin si besoin de dresser l’inventaire de nos plus intimes habitudes et de nos petites manies ? Rien de ce qui exprime notre personnalité ne résistera à cette indiscrète scrutation à laquelle nous ne pourrons nous soustraite.
Le débat sur la protection de la vie privée est-il à ranger dans la vitrine des curiosités du passé, ou doit-on considérer que seuls des happy few seront protégés des curiosités malsaines, à l’instar des chefs d’État comme l’a déclaré hier soir Barack Obama, et encore à condition de figurer sur la liste de ceux qui sont de manière discrétionnaire considérés comme « amis » ?
L’époque est également au big data, au recueil et au traitement d’un nombre colossal de données sur tous les sujets possibles et imaginables, en mettant en avant les utilisations nobles qui pourraient en être faites pour justifier le reste. La médecine préventive arrive en tête. Plus vous avez de données, plus vous êtes cohérents s’exclament les acteurs de ce nouveau marché qui s’annonce énorme. Tout comme celui des objets connectés, innovation qui va permettre de frapper d’obsolescence rapide toute une panoplie d’objets dont le marché n’est plus que de renouvellement.
A propos de celle-ci, la dernière folie à la mode, dont il ne faut pas douter de son impact, promet de lutter contre l’obsolescence programmée en fabriquant soi-même les pièces détachées introuvables des machines qui tombent en panne. Il s’agit bien entendu des imprimantes 3D. Y aurait-il des contradictions au sein du peuple des spécialistes en marketing ?
Voilà un nouveau sujet de rédaction pour les enfants, afin de renouveler le classique inventaire de greniers qui n’existent plus depuis longtemps. Les objets sont de moins en moins inanimés et ont de plus en plus une âme ! Mais celle-ci est toujours présentée sous son meilleur jour. Les progrès technologiques qui s’annoncent sont donc capables du meilleur et du pire. En avons-nous jamais douté ? Il ne nous reste plus qu’à en profiter.
Internet a donné l’occasion du meilleur, et à quelle échelle ! Raison pour s’inquiéter des velléités bien avancées de le faire évoluer vers un monde à deux vitesses, dont les performances dépendraient du porte-monnaie, et dont l’accès pourrait être verrouillé au nom d’une nouvelle cause prétendue noble : la protection d’une propriété intellectuelle s’inscrivant dans les frontières les plus étendues possible du domaine du brevetable. À moins que ce soit au nom d’une conception très élargie du trouble à l’ordre public. Un rêve !